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Aujourd’hui nous assistons à la croissance et à la multiplication de villes. La ville nous est désormais important parce qu’elle est le lieu où les activités se concentrent (administratives, économiques, culturelles, associatives) et où les diversités se croissent. La ville de Yaoundé n’est plus celle que je connaissais il y a 5 ans quand je venais d’arriver au pays. Malgré la croissance massive de la ville, le village garde toujours son importance.  Pour nous, les africains, le village ou la zone rurale reste en lieu de référence. Du village proviennent  l’identité familiale et l’appartenance culturelle. Pour nous, rentrer au village au temps de congé est une occasion de se ressourcer, de mettre au jour notre lien affectif avec les nôtres. Ici, comme vous le savez, il est presque de coutume d’enterrer le mort au village. En ville, on sent comme si on était un peu étranger, mais au village, on est chez nous.
Jésus ne s’est pas coupé de son milieu d’origine, de son village.  Après s’être retiré au désert pendant 40 jours, Jésus a fait un petit séjour en ville de Galilée. Il y trouvait le boulot. Il enseignait dans plusieurs synagogues. Il semblait qu’il faisait bien son travail parce que tout le monde l’appréciait. En fait en vue de ce travail qu’il est allé au désert. On peut imaginer qu’il faisait connaissance de réalités de cette ville. Galilée fut de tout temps une ville privilégiée, non seulement grâce à sa richesse naturelle mais aussi à sa position géographiquement stratégique mise en évidence par la présence de la célébrée route commerciale, via Maris, qui reliât l’Egypte et la Syrie. L’évangile nous dit que Jésus venait à Nazareth, il rentrait chez lui sans nous expliquer pour quelle raison. Mais il nous suffit de comprendre qu’après 40 jours au désert et un petit séjour en Galilée, il est normal de rentrer chez lui. D’ailleurs c’est à Nazareth qu’il travaillait comme charpentier. Donc beaucoup de gens le connaissaient. Il est aussi normal pour quelqu’un qui vient de rentrer d’un long voyage de partager aux siens ce qu’il a découvert pendant son séjour hors du village. On lui demandait de faire la lecture du livre du prophète Isaïe dans la synagogue. Le livre à l’époque était sous forme de rouleau. C’est pour cela avant de lire, Jésus déroulait le livre. Il a trouvé un passage, c'est-à-dire lui-même il a choisi un passage sur la vocation prophétique qui l’aurait marqué profondément.
« L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. »
Jésus, nous dit l’évangile, replia et rendit le livre au servant et puis s’assit. Il y a quelque chose d’intéressant sur la quelle je voudrais tirer votre attention. L’évangile note que tous dans la synagogue tenaient les yeux fixés sur Jésus. On pourrait penser qu’ils demandaient du moins l’explication pourquoi Jésus a choisi un tel passage. Sa réponse est scandaleuse quand il dit « Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Ecriture ». Notre lecture s’arrête là, au point le plus scandaleux dans la pensée des proches de Jésus « comment cet homme là se prend pour un prophète », mais une bonne nouvelle pour nous. Jésus est le libérateur, c’est le mystère que nous célébrons aujourd’hui.
Pour le comprendre mieux, faisons attention à ce mouvement de Jésus : « dérouler et replier » le livre que Jésus faisait. Il est simple à comprendre. Dérouler c’est rendre le contenu du livre accessible soit pour le lecteur soit pour l’auditeur. Parce qu’il s’agit de la Parole de Dieu, l’action de dérouler signifie rendre la parole de Dieu accessible.  A mon humble avis, Jésus, ce faisant, délivre Dieu au rendez vous des siens ; donc à notre rendez-vous. Son geste explique davantage qu’il est la Parole de Dieu. Et ce geste se rime avec le passage qu’il a choisi : un passage de libération. C’est en lui que la promesse de libération s’est accomplie. C’est pour cela il a replié. L’évangile ne dit pas « enrouler ». Pourquoi ? Parce que Dieu est déjà avec nous, il ne s’enferme plus dans la Bible. Il est accessible dans la personne de Jésus. C’est pour cela Jésus n’avait pas besoin d’expliquer ce qu’il vient de lire. Tous ceux qui étaient dans la synagogue ne demandaient pas seulement l’explication du choix de passage, mais tout d’abord la prise en responsabilité de ses gestes. Il a répondu « Aujourd’hui s’accompli à vos oreilles ce passage de l’Ecriture ».
Jésus Christ est libérateur parce qu’il est la Parole de Dieu qui libère. Cette libération tient du fait que Dieu est venu à notre rendez vous, il est entré dans notre histoire. Rendez-vous avec la Parole de Dieu est inséparable du rendez-vous avec notre histoire, l’histoire des hommes. Ce qui aurait marqué Jésus, j’imagine, ce sont des gens, des malades, des pauvres, des bidonvillois ainsi que la réalité de pauvreté, de l’injustice. Sur ce dernier, Jésus va nous en rappeler quand il traite Hérode, le gouverneur de Galilée, comme renard (Lc 13,32) : « Allez dire à ce renard… ». Sa relation intime avec Dieu ne pouvait pas le couper de la réalité où il vivait et travaillait. Son rendez-vous avec Dieu au désert et aux synagogues le laissaient découvrir le même Dieu dans les personnes qui attendaient la libération.
Jésus était citoyen de son pays, habitant de sa ville et résidant de son village. Le passage de l’évangile nous montre qu’il confrontait son expérience (ce qu’il voyait, observait, marquait de la vie quotidienne) avec sa rencontre avec Dieu dans et travers sa parole. Une prière qui se coupe de la réalité n’est pas une prière. Jésus est réussi à trouver l’actualité de la parole de Dieu. Face aux problèmes qu’il a observés dans son quartier, dans sa ville dans son pays, la parole de libération prend son actualité. Cette parole engage celui qui la prononce et ceux qui l’écoutent. Jésus permet donc à Dieu de s’installer dans la réalité de l’homme. « Aujourd’hui s’accompli à vos oreilles ». Lui-même, conscient de sa mission, il l’a prise comme engagement. Chaque fois que l’on écoute l’évangile, cela devrait nous engager. On est appelé à faire ce que nous écoutons, à mettre en pratique. 
La ville est marquée souvent par la migration urbaine, par des fortes poussées démographiques. On y trouve souvent « des communaux », des propriétés collectives des terres qui sont envahis par les nouveaux arrivants, souvent en créant des zones illégales :  le bidonville. Dans les bidonvilles comme les nôtres en Afrique, se rassemblent souvent des personnes des mêmes ethnies, des mêmes villages. Des que les bidonvillois trouvent un peu de moyens, généralement ils améliorent leur vie, si avant, quelqu’un n’avait qu’un abri, des tissues tendues entre deux morceaux de bois, maintenant avec l’argent qu’il gagne de son petit boulot, il cimente le sol. Dans la ville, chacun se débrouille. Elle nous apprend à être individu, autonome, on est un peu coupé de la communauté villageoise.  Cette coupure provoque parfois la panique, la solitude, mais elle suscite le désir de rencontrer l’autre, d’être plus proche l’un avec l’autre. La présence croissante des mouvements associatifs de caractère professionnel ou religieux en sont les exemples. Ce qui nous lie ce n’est plus l’appartenance tribale, mais plutôt le bien commun. Le bien commun traduit la convention ou bien le consentement de vivre ensemble dans la ville, garantie par les règlements d’Etat. Toutefois, sa réalisation ne dépende pas d’Etat, tel que certains d’entre nous le pensent, mais dépende de nous tous. On ne peut compter par exemple sur un gouvernement corrompu tel que nous connaissons dans quelques cités africaines. L’inégalité sociale, la violence, l’inondation, la coupure d’eau, l’éparpillement des ordures ce sont des réalités dont nous, les chrétiens, sommes tous au rendez vous.
Croire en Jésus Christ c’est croire en sa Parole de libération qui nous engage d’être aussi libérateurs de notre milieu. Nous sommes appelés à animer notre quartier ou notre ville avec l’esprit de partage, de responsabilité, de travail et de fraternité. C’est ici le rôle important des communautés ecclésiales de base. Elles nous aident à nous intégrer bien dans la société et aussi à aides les nouveaux arrivants à s’intégrer bien étant citadins d’une ville. Implorons le pardon au Seigneur si nous prenons souvent à la légère notre vocation baptismale, une vocation prophétique et une vocation de libération dans le monde, si nous prenons souvent à la légère les activités des communautés ecclésiales de base. Nous lui demandons la grâce d’être son partenaire de libération dans notre milieu de vie, notre lieu de travail et dans notre quartier. (Tardelly,sx 1/26/2013 :11.09 PM)



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