L’élégie de l’adieu
Francis James, un poète français, a écrit en Septembre 1898 ces dernières phrases de son poème sur l’adieu (Le Deuil des Primevères) :
Si tu le sais, amie, arrive et dis-le moi, dis moi, pourquoi,
Lorsque je suis souffrant, il semble que les arbres comme moi, soient malades
Est-ce qu’ils mourront aussi en même temps que moi ?
Est-ce que le ciel mourra ? Est-ce que tu mourras ?
Nous ne pouvons parler de l’adieu que dans un contexte d’amour. En dehors de cela, c’est mieux de parler d’une rupture amoureuse ou d’expulsion. D’après moi, dans le cas de l’adieu, ni nous ni ceux que nous aimons, ne le voulons et en même temps, personne ne peut l’empêcher. C’est là que l’on trouve la vertu de l’amour ; c’est d’avoir et se détacher, embrasser et relâcher. Celui qui va partir, dans tout son désir de rester avec ceux qu’il aime, doit y consentir. Il doit même consacrer son désir de leur demander de partir avec lui. Il en est de même pour ses amis. Dans tout leur désir de ne pas le voir partir, ils doivent le laisser. Et dans leur désir de partir avec lui, ils doivent décider de rester.
L’adieu est différent de partir un instant, parce qu’il n’y a plus de possibilité de revenir. Souvent même l’adieu a été une partie de la mort. Donc, on peut comprendre pourquoi les Français disent « adieu » et les Espagnols, « adios ».
Je peux imaginer les visages des disciples et celui de Jésus quand ils se rassemblèrent à l’ombre de la lampe. Leurs sentiment, imaginez-les aussi ! On peut trouver également la beauté de leur relation dans deux dialogues entre Jésus et Pierre. Le premier, quand celui-ci promettait de partir et mourir avec Jésus.
L’évangile de St. Jean chapitre 13, nous rappelle ce bel événement. Si vous lisez complètement ce chapitre, vous trouverez que ce récit est introduit par une action unique de Jésus, laver les pieds de ses disciples. Le récit se termine par la prédiction que Pierre le trahira trois fois. Ce récit me semble-il, anticipe ce que Pilate dira au moment où Jésus sera torturé et couronné d’épines : « voici l’homme ». Dans ce chapitre, on trouve l’humanité dans sa condition la plus faible représentée par les trahisons de Pierre et de Judas. On trouve aussi l’humanité la plus pure et la plus parfaite dans l’acte de Jésus qui lavait les pieds de ses disciples.
L’adieu se fait élégie lorsqu’on trouve que quelqu’un que l’on aime, en effet, souhaite notre départ ou même notre mort. Alors c’est pourquoi Francis James a écrit ces phrases pleines d’incertitude : « Est-ce qu’ils mourront aussi en même temps qui moi ? Est-ce que le ciel mourra ? » Toutes ces questions nous rappellent le dialogue entre Jésus et Pierre. Et maintenant elles nous sont adressées quand nous regardons l’autel vide à la fin de la messe du Jeudi Saint, et que nous prions en face du pain Eucharistique.
Parce qu’il savait que nous serions tentés de le laisser et de trahir, Il nous a donné l’eucharistie comme héritage afin que nous soyons fidèles, et puissions mourir avec lui : « faites cela en mémoire de moi », dit Jésus. L’héritage qu’il a donné n’est pas à garder, mais à mettre en pratique.
A travers la célébration du Jeudi Saint, l’église annonce son choix, son option d’être servante de la paix, du pardon et de la vie. Ce sont les grâces que nous demanderons quand nous nous serons à genoux devant le Saint Sacrement. Veillez pour mourir avec Lui.
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Le serpent et la miséricorde,

Au marché de Mokolo, j’ai vu un marchand de médicaments traditionnels qui mettait au milieu de ses bouteilles une partie du corps d’un serpent. La mauvaise odeur s’est très vite répandue. Malgré tout quelques clients continuaient à l’approcher et voulaient savoir la qualité de ce médicament. Le serpent est un des animaux mortels. Beaucoup parmi nous ou bien s’en éloignent ou bien le tuent. Cet animal a été tardivement mis au même niveau que le mal, le tentateur, le traitre, l’infidèle, le péché, dans la tradition monothéiste.

La lecture d’évangile qui nous accompagne pendant la quatrième semaine du carême, même si elle ne parle pas du serpent, rend présente une réalité différente du serpent. Même alors Jésus l’utilise comme une importante métaphore pour expliquer le mystère de la miséricorde de Dieu « de même que le serpent de bronze fut élevé par Moise dans le désert ainsi faut-il que le fils de l’homme soit élevé ». Si vous avez lu le récit de l’exode, vous vous rappelez que beaucoup d’Israélites sont morts piqués par les serpents après avoir perdu la foi en Dieu parce qu’ils ne pouvaient plus supporter le long exode dans le désert. Dieu les leur envoya parce qu’ils n’étaient pas fidèles. Il leur était devenu maudit. Cependant, dans ce récit, on trouve la fidélité du Seigneur qui entendit la demande de pardon des Israélites et demanda à Moise de ramasser un serpent pour qu’il soit pendu sur le bois. En voyant le serpent pendu en croix, ceux qui avaient été piqués guérissaient. Dieu manifesta sa miséricorde et redonna sa grâce au maudit.

Il est raisonnable qu’il soit élevé comme le serpent fut élevé dans le désert afin que tout homme qui croirait en lui obtienne par lui la vie éternelle. En disant cela, Jésus prévoyait sa mort. Il savait que ses actes lui faisaient courir le risque d’être persécuté, mis à mort comme l’homme le plus maudit. A l’époque des Romains, la croix était une punition pour les bandits et les criminels. Et pour les Israélites ceux qui mouraient pendus sur la croix étaient maudits.

En général, la damnation est une punition impardonnable. Rendre honneur à nos parents va nous éviter la damnation. Ceux qui se révoltent contre leurs parents ou les tuent, seront maudits. La damnation manifeste par elle-même l’assurance qu’il est impossible que tel grave péché soit pardonnée. Autrement dit, il ne tolère pas de pardon, il devrait être limité. C’est la règle de nos relations.

L’évangile de cette semaine met devant nous le beau mystère de la croix, c’est la miséricorde de Dieu. Dieu voudrait montrer que ce Jésus pendu sur la croix, celui qui est considéré comme maudit, est devenu une grâce abondante pour les hommes. Cette grâce-là ne pourra être ni annulée ni supprimée. Voici la miséricorde de Dieu, il est riche en miséricorde à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ (Ep 2:4-5). Grâce à sa mort sur la croix, Dieu a transformé ce que les Israélites considéraient comme une damnation en une grâce abondante pour ceux qui croyaient en Jésus.
Ce mystère de la miséricorde que nous devrions méditer pendant ce temps liturgique. Le même mystère qui devrait devenir le moteur pour célébrer le sacrement de la pénitence, en imitant la conscience de l’enfant prodigue (Luc 15), qui est rentré chez son père parce qu’il avait cru en sa miséricorde. Il n’y a aucune damnation sur la croix, mais la vie. Cela est la victoire du Christianisme, que nous allons célébrer pendant la veillée pascale. De même que Dieu nous a aimés jusqu’au bout, il faudra que nous puissions, par sa miséricorde, transformer l’hostilité et la guerre en paix.


R.F.Tardelly,SX


Cameroun

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