l'amour désintéressé |
Il y a une semaine, une jeune dame est venue chez
nous. Elle a posé cette question à un confrère qui était à l’accueille :
« Est-ce qu’il y a un prêtre efficace ici, un prêtre guérisseur? La
réponse de mon confrère était négative.
La femme est partie sans rien trouver ce qu’elle cherchait. La renommé,
peut-être, du soit disant guérisseur qui l’aurait poussé à venir au presbytère.
Depuis le dimanche passé, nous avons commencé la
lecture de l’évangile selon st. Luc. Celui d’aujourd’hui que nous venons
d’écouter est la suite du passage du dimanche passé qui s’arrête à la
déclaration de Jésus : « Aujourd’hui s’accomplie à vos oreilles
la parole de l’Ecriture ». En disant cela, Jésus voulait dire que Dieu ne
s’enferme pas dans la bible, mais il est maintenant à notre rendez-vous.
Nous sommes souvent curieux du retour d’un
familier ou d’un fils du village après son long voyage ou son long séjour en
étranger. Généralement, la curiosité et l’affection que nous avons de lui qui
nous poussent à aller le voir. Nous voulons savoir qu’est-ce qu’il est déjà
devenu. La renommée de Jésus est arrivée aux oreilles de ses proches, des
villageois de Nazareth. Son retour au village après 40 jours au désert et un
petit séjour en Galilée, et tout ce qu’il faisait dans cette région, nous
expliquent suffisamment pourquoi il y avait du monde dans la synagogue. Sa
renommée, cependant, est confirmée par son autorité avec laquelle il a lu le
passage du prophète Isaïe. Mais, sa reconnaissance de cette renommée est
partielle parce que la foule attendait toute une autre chose. Qu’est-ce qu’elle
attendait alors exactement ? La foule s’attendait que Jésus ait fait les
mêmes miracles qu’il opérait ailleurs. Le fait que Jésus jusqu’alors n’opérait
aucun miracle à Nazareth, pour la foule, était un échec. Par conséquente, elle
cherchait à tout prix la cause. Et voilà le résultat, les gens de la foule se
posaient cette question « N’est-il pas le fils de Joseph, celui-là ».
Si nous étions là, nous pourrions ajouter, peut-être d’autres commentaires, par
exemples : Ah…nous avons compris pourquoi il est aussi nul que ses
parents», ou bien encore; « C’est sûr qu’il est parti gaspiller le
temps et l’argent de son père ».
La réaction de Jésus n’est pas moins surprenante
lorsqu’il visait leur intérêt caché. Il comprenait ce qu’ils attendaient de lui
en évoquant la diction populaire « médecin, guéris-toi, toi-même ». En
fait, en leur rappelant la diction, Jésus démontre combien le sens de la
diction est déjà perverti par leur intérêt. Le sens originel de la diction
devrait être celui-ci : avant de faire des reproches ou des critiques à
quelqu’un, il faut d’abord prendre conscience de ses propres défauts. Les
nazaréens, quant à eux, ont perverti le sens originel de la diction en faveur
de leur intérêt sectaire, nationaliste, celui de nourrir leur besoin et celui
d’enfermer Jésus dans leur jeu de partisan.
Encore cette fois-ci, au moment où la foule
voulait l’imiter l’action de Jésus dans sa patrie, Jésus refusait d’être
privatisé. Il leur rappelait que «aucun
prophète n’est bien reçu dans sa patrie ». Pourquoi ? Parce que la
véritable patrie des prophètes n’est pas de ce monde. Un prophète vient de Dieu.
Il n’est ni un produit du charisme, ni celui du complot humain. Sa patrie est
Dieu lui-même et le monde entière. En rappelant encore l’histoire du prophète
Elie et Élisée, tous les deux opérèrent les miracles aux pays païens, Jésus
affirmait l’universalité du salut qu’annonçaient les prophètes.
La réponse de Jésus fait objet ensuite de son
exclusion. La foule réagissait en le poussant hors du village. Donc Jésus était
chassé de Nazareth. Pour la deuxième fois, Jésus est arraché encore de son pays.
La première fois, c’était au lendemain
de sa naissance lorsqu’Hérode fut à la recherche de le tuer. Il n’est plus ni
Juif, ni Nazaréen. La conclusion de ce récit est très belle. Luc nous dit que
Jésus « allait son chemin ». Il ne peut pas parcourir le chemin du
tribalisme, du nationalisme, ou encore du continentalisme, etc. « Il
allait son chemin », c'est-à-dire, le chemin qui n’est pas celui de notre
intérêt. Jésus s’est dénationalisé ou s’est dépaysé.
Ce passage doit interroger notre manière de vivre
la foi chrétienne. Est-elle une recherche d’intérêt ? Devenons-nous
chrétiens tout simplement parce qu’il a des messes de malades ?
Allons-nous à l’Église tout le dimanche parce qu’on y découvre la prière de
délivrance ? Que cherchons-nous exactement ? Dieu, ou bien des
choses ? Dieu, est-il encore notre bien Aimé, celui que notre cœur aime ?
La manière dont nous entretenons la relation avec Dieu affecte sans doute notre
relation avec nos prochains. Si nous
traitons Dieu comme objet de notre intérêt, nous entretenons aussi nos proches
comme un objet. Nous les aimons parce que nous attendons quelque chose de leur
part.
Vivre la foi chrétienne c’est vivre la
foi nourrie de deux choses. La première, c’est un amour désintéressé qui exige
que nous nous dégagions de notre intérêt égoïste. Cet amour nous aide à notre
tour à nous centraliser, à nous dépayser, à nous détribaliser. La foi en Jésus est incompatible avec toute
sorte d’idéologie y compris l’idéologie de guérison, selon laquelle la guérison
est le centre de notre quête spirituelle. Je vous rappelle, dans les évangiles,
dans chaque cas de guérison, Jésus opérait tout d’abord la guérison
spirituelle, et après vient la guérison physique. Ce qui pratique un amour
désintéressé envers Dieu et son prochain, est déjà disposé à la grâce de
guérison spirituelle, et pourquoi pas la guérison physique. Deuxième, cet amour
est vécu dans la durée. La durée nécessite une attitude de patience et de confiance
à un Dieu qui connaît tout ce dont nous avons besoins. Un cœur qui aime Dieu d’un
amour confiant et patient est un cœur qui accueille l’autre du même amour. Lorsque
on ne cherche que son propre intérêt, et non pas d’aimer Dieu d’un cœur
confiante et patiente, Dieu va aller son chemin c'est-à-dire il n’est plus chez
nous. Si on n’arrive pas à laisser Dieu s’installer chez nous, on n’arrive pas
non plus à faire l’autre se sentir chez lui.
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