le poisson et le pain |
Après la disparition d’une personne aimée, la
déception et la désolation qui s’accompagnent souvent. On se trouve dans une
situation d’impuissance. La vérité de notre existence, quelque soit l’affection
et l’amour que nous avons envers lui, c’est que nous n’avons jamais la maitrise
de son destin ; quelque soit même le pouvoir que nous avons sur elle, nous
n’aurons aucune prise sur elle. L’autre reste et restera l’autre. Justement la
réalité de la mort qui nous l’affirme. Une fois que l’on est mort, on
appartient à l’au-delà.
Jésus est disparu par sa mort. La rumeur qui se
circulait tantôt dit qu’il serait vivant et ressuscité et tantôt dit que son
dépouille aurait été volée. Cette rumeur, cependant, n’intéressait pas les
apôtres. Peut-être parce qu’ils ne comprenaient pas exactement ce qui lui était
arrivé. Le sentiment qui les animait à ce moment là est la déception totale. La
prise de parole de Pierre qui nous le révèle « Je m’en vais à la
pêche ». Les autres disciples tels Thomas, Nathanaël, les fils de Zébédée,
et deux autres disciples confirment le même sentiment « Nous allons avec
toi ». Quand on est déçu, on sent comme si on descendait d’une hauteur et
se trouvait dans une fosse la plus basse. Voilà ce qui s’explique dans l’expérience
des apôtres. Ils voulaient tout se dépasser de leur histoire déçue avec Jésus
et reprendre leurs vieilles habitudes. Le résultat est bien clair. Ils passèrent
la nuit sans rien prendre. (Jn 21,1-19).
Et pourtant, nous dit l’évangile, Jésus était là
sur le rivage. Les disciples, malheureusement, ne le reconnaissaient pas. Jésus
les appelle : « Les enfants, auriez-vous un peu de
poisson ? ». C’est une question qui devrait leur déclencher une
certaine mémoire de leur passé avec Jésus. La progression du récit nous aide à
en saisir le lien avec le récit de la multiplication du pain lorsque Jésus
demandait à Philippe, «D’où nous procurerons-nous des pains pour que mangent
ces gens ? » (Jn 6,1-15). La réponse des disciples dans l’épisode de
la multiplication du pain là est aussi négative que leur réponse dans ce
récit : « Non ». Ils n’ont pas de poisson tel qu’ils
n’avaient pas de pain pour nourrir tant du monde qui suivaient Jésus. De même
que Jésus leur avaient demandé de chercher le pain, de même ils leur demandent
de chercher le poisson, de jeter le filet une fois de plus. Seul le disciple
que Jésus aimait qui a saisi un rappel à partir de ce qu’il est en train de
voir. Tant de poisson lui rappel le même Jésus qui avait multiplié le pain.
C’est à la suite de l’ordre de Jésus qu’il a pu le
reconnaître : « c’est le Seigneur ». Il est cependant
curieux de remarquer que le disciple que Jésus aimait ne prononçait pas le nom
« Jésus », mais plutôt « Seigneur ». Cela pourrait
signifier sa foi en la résurrection de Jésus, qui est devenu Seigneur.
Simon Pierre nous présente une réaction
intéressante. Ayant entendu que c’était le Seigneur, il a fait le même geste
que celui qu’il avait fait lorsqu’il suivait Jésus pour la première fois. Il a
abandonné sa barque et s’est jeté à l’eau pour aller à la rencontre du même
Jésus qu’il venait de trahir. Se jeter à l’eau est une attitude d’humilité et
de reconnaissance de sa faiblesse et de son péché. N’oubliez pas que l’eau de
la mer dans le langage biblique représente le mal ou le péché. Ce n’est
qu’après cette confession de Pierre que viennent les autres disciples avec le
filet plein de poisson. Ils ramènent avec eux aussi les hommes et les femmes
sauvés du mal. Tous les chrétiens se rangent derrière Pierre et les apôtres
comme à la fois les pécheurs pardonnés et les enfants de Dieu.
Entre les disciples et Jésus ressuscité
s’entrepose « un feu du poisson posé dessus, et du pain. C’est
l’eucharistie qui actualise la rencontre entre nous et le ressuscité. Les
disciples, ayant débarqué de la barque, ont déjà trouvé Jésus avec du poisson
et du pain. Ils croyaient, peut-être qu’avec leurs poissons que Jésus allait
leur préparer à manger. Jésus, pourtant, leur donne le pain et le poisson à
manger. L’eucharistie est tout d’abord le don de soi de Jésus. Il actualise et
rend présent le sacrifice du Christ, mort sur la croix pour nous sauver. Ce qui
vient après, c’est notre vie qui doit être une offrande d’amour. A cela
intervient l’offrande des disciples : les poissons qu’ils viennent de
pêcher. Jésus demande aux disciples de lui porter les poissons pour en faire
son corps. Si nous prêtons bien attentions au début de la prière eucharistique,
nous comprendrons bien ce que cela signifie. Le prêtre, agissant à la personne
du Christ, dit « Sanctifie ces offrandes qu’elles deviennent pour nous le
corps et le sang du Christ notre Seigneur ». Il est bien clair donc que le
corps ressuscité du Christ n’est que visible dans l’eucharistie. Pour le
reconnaître et le contempler, il nous faut l’écoute de sa parole. C’est pour
cela que l’eucharistie est précédée par la liturgie de la parole.
Enfin, en tant que sommet et centre de la vie
chrétienne, l’eucharistie rassemble tous les chrétiens avec leurs peines, leur
joie, leurs souffrances et leurs luttes quotidiennes pour pouvoir constituer
avec lui un nouveau pain pour le monde. L’eucharistie nous rend un alter
christi, un autre Christ pour le monde. Comme par sa mort le Christ nous
échappe, sa résurrection nous échappe. Mais, ce dernier est toute une autre
chose. Jésus ne reste pas seulement autre, mais il devient aussi nôtre. Donc sa
résurrection nous transforme en être nouveau. Et la nouveauté de notre existence
doit s’exprimer dans nos luttes contre le mal pour pouvoir faire régner l’amour
de Dieu dans notre monde. (Yaoundé, 14-4-2013) Tardelly,s.x.
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