l'ennuie, c'est s'ouvrir au mystère de soi |
De nos jours,
la montée du radicalisme est inquiétante. On ne peut pas le limiter dans un
seul domaine religieux, mais aussi dans d’autres domaines, même non-croyants.
Au fond, l’idéologie n’est jamais morte. Elle prend une autre forme
aujourd’hui. Le radicalisme religieux n’est qu’une des ses manifestations. La
religion, quant à elle, qui n’intègre pas le dialogue avec la raison, porte en
elle-même le germe de l’idéologie pour la quelle tous les moyens sont
justifiés. Le récent horrible assassinat à Londres, condamnés par tous, ainsi
que les réactions des extrêmes droits voulant se débarrasser des immigrés, n’en
donne qu’un exemple même s’il n’est pas du tout correct d’identifier le
radicalisme au terrorisme, pire encore, aux certaines religions.
Il est
curieux de constater que le phénomène du radicalisme touche bien plus souvent
les jeunes que les autres âges. Peut-être dans le contexte de changement
rapide, d’évolution néfaste d’économie et de technologie, nos jeunes sont
tiraillés dans deux côtés opposés. D’un côté, ils doivent rester dans le jardin
de leur religion et de leur culture d’appartenance chacune avec ses exigences
normatives, de l’autre côté, le style de vie que le progrès propose, les
séduit. Il semble que deux côtés se concurrent pour vider les jeunes de leur ennuie.
Ce dernier est quelque chose d’humain, dont on s’y fie souvent parce qu’il
signale le vide, l’impuissance à agir, la mélancolie, la lassitude. Pourtant, il est nécessaire, voire
fondamentale dans notre vie. Il fait partie de son « être dans le monde ».
Il est le lieu de rencontre véritable de l’homme avec Dieu. J’aime beaucoup la
parole de Jésus s’adressant aux pharisiens à propos de l’impureté :
« ce qui rend l’homme impur n’est pas quelque chose de l’extérieur
mais ce qui vient de l’intérieur ». Le bien et le mal paraissent se
concurrent pour gagner ce terra incognita
de l’existence humaine.
Le
radicalisme tant religieux qu’idéologique s’inscrit dans la quête de l’ennuie. Imaginez
combien des hommes en chômage ou dans une situation de précarité économique
sont facilement séduits aux prédications justifiant tous les moyens possibles
pour acquérir à un bonheur instantané. On préfère mourir martyre et acquérir la
récompense céleste à rester dans la misère dont la solution sur terre est
impossible. La religion est souvent instrumentalisée pour nourrir l’incapacité
d’agir, pour nourrir l’ennuie. La violence au nom de la religion s’y explique.
Je suis de ceux qui croient que jamais une véritable religion n’alimente l’idée
et l’acte de violence. Une religion comme telle est une religion inhumaine,
parce qu’elle contredit la raison humaine, celle qui devrait orienter celui-ci
vers le bonheur.
De son côté,
l’idéologie du progrès veut assiéger à cet ennuie avec des divertissements massifs souvent illusoires. Il insère aussi
la mentalité instantanée qui ne laisse pas vraiment l’envie de vivre dans la
durée dans l’exigence de travail et dans souffrance. Beaucoup de jeunes veulent
être « stars » à l’american idol, à la The Voice , oubliant combien de travail exigé pour
vraiment l’être. La culture moderne est marquée par la tendance
spectaculaire : tout le monde veut être vu. Il y a par conséquent le culte
d’image ; un nouvel narcissisme. L’industrie de divertissement en profite
pour gagner plus de profit. Malheureusement, au lieu de faire disparaître
l’ennuie, le progrès le crée et le multiplie davantage. Nos contemporains
deviennent dépendants de ces divertissements qu’ils n’arrivent pas rester seul
devant l’ennuie qui ne nous échappe jamais, et qui leur devient plus en plus un
malaise.
Aujourd’hui
nous fêtons la solennité de la Sainte Trinité.
La foi chrétienne prend sa source à la rencontre avec Dieu que nous a
révélé Jésus Christ dans son Esprit Saint. Le mot « Trinité » ne se
trouve aucunement dans la Bible, mais Jésus a laissé des traces dans toute son
existence terrestre, de par sa vie, sa mort et sa résurrection. Sur la croix,
Jésus nous révèle le Dieu d’amour, une opposition à toutes les religions qui
tentent d’enfermer Dieu dans son « tout puissance ». En Jésus nous
contemplons Dieu fait homme, Dieu qui nous aime tellement qu’il donne son fils
mort sur la croix pour notre salut. Notre Dieu est un Dieu qui n’est jamais
solitaire. Le terme trinité découle
de la réalité de Dieu comme communion d’amour. Dieu est la source de l’amour
parce qu’Il est amour qui crée et qui nous donne l’existence. Cet amour n’est
pas seulement un acte de se donner mais une personne qui s’est donnée. Parce
qu’il est un don, cet amour engendre le Fils, la pleine manifestation de
l’amour de Dieu pour nous. L’amour de Dieu et le Fils c’est l’Esprit Saint qui
à son tour nous amène dans la même mouvance de l’amour.
La réalité
trinitaire est inhérente dans notre existence humaine. Nous sommes un être tendu et orienté vers la rencontre.
L’homme, par sa définition, est un être de rencontre, c'est-à-dire un être qui
se fait face à face, se met à une situation cum,
avec l’autre. L’ennuie en est la manifestation. L’ennuie n’est pas du tout l’oisiveté. Il est une réalité dans la quelle
chacun de nous est dans un face à face avec lui-même. Il appelle à creuseur la
profondeur de soi-même. Il manifeste notre « être réfléchi ».
L’ennuie nous offre l’occasion unique de se ressourcer. L’ennuie nous invite à
un retour sur soi, pour écouter ce que
notre « soi » dit de nous. L’ennuie ne nous promet pas la rêverie, ni
d’illusion virtuelle ou imagination hollywodienne. Il marque toujours un point
d’arrêt pour revisiter notre vie, et ainsi pour préparer la rencontre avec
l’autre. L’ennuie nous ouvre le chemin de communion avec soi-même et sans doute
avec notre Dieu de communion.
Au lendemain
de la tuerie de Londres, beaucoup de gens ont visité le lieu du drame en posant
plusieurs de fleurs rouges, signes d’amour, d’affection et de sympathie. Ces
gens-là sont des témoins de ceux qui sont capables d’accueillir ce que l’ennuie
leur offre, ce que la tristesse, la colère d’un tel drame, l’angoisse suscitent
en eux. L’ennuie né d’un tel drame les pousse à une rencontre avec l’amour, la
fraternité universelle qui ne donne aucune place à la violence, ni à la
peur.
crying |
C’est un peu
le titre d’une chanson d’amour que j’aime dès mon enfance à force d’écouter
assez fréquemment de la musique. Cette chanson rejoint de part et d’autre cette
parole de Jésus « vous serez dans le deuil et les larmes pendant que le
monde se réjouira. Vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse deviendra
joie ». Elle met notre identité chrétienne en opposition avec celle du
monde. Le monde, au sens propre du mot, est en soi-même bon. Mais, nous savons
que dans le langage johannique, le monde symboliquement manifeste toutes les manifestations
du mal. Le mal avec toutes ses manifestations peut être imaginé comme
« les autoroutes », construits d’une telle façon qu’elles facilitent
la circulation rapide, sans arrêt, et sans embouteillage. Dans quelques cités
que nous connaissons, les autoroutes sont construites de manières spirales pour
gagner et mieux exploiter les espaces.
L’opposition
entre la joie du monde et nos larmes caractérise notre identité. Il suffit de
regarder autour de nous, au style de vie que nous proposent des publicités
commerciales. Elles envahissent nos quotidiennes tellement qu’elles créent en
nous le désir sans cesse à y adhérer. Aujourd’hui nous sommes très exposés aux
inclinations vers le mal. Nous venons de fêter la fête d’ascension, la monté
victorieuse de Jésus au ciel. Cette fête nous fait face à la réalité du mal qui
nous propose une autre élévation que je peux formuler comme étant trois portes
principales de ces « autoroutes » du mal. Il s’agit du sexe, du pouvoir, et de l’argent.
Il suffit de voir nos alentours, d’écouter la causerie de nos amies pour
comprendre combien le mariage ou le lien légitime entre un homme et une femme
s’est déjà réduit à la quête du sexe. On change le conjoint ou la conjointe
comme un chewing gume, on le jette
quand la sucrerie est toute avalée. La valeur est remplacée par le goût. Ce qui
est important c’est le plaisir, et non la vie ensemble, la communion où l’amour
est travaillé et parfois éprouvé par des malentendus, des conflits appelant à
la maturité de tout en chacun. Le pouvoir n’est plus un lieu de service, mais
une ocrassions de domination et d’accumulation. L’argent n’est plus moyen, mais
le but et l’idole qui occasionne la corruption.
Depuis le
cinquième dimanche de pâques, la péricope de l’évangile de St. Jean lue à la
messe dominical s’introduit par le premier verset du chapitre 13 – qui est
d’ailleurs une introduction à la deuxième partie de l’évangile : le livre
de l’heure ou de la gloire : « A l’heure où Jésus passait de ce monde
vers son Père ». Cette introduction me paraît très significative. Elle
évoque le mystère de la résurrection et enrichit la signification de
l’ascension. Il s’agit de la montée ou de l’élévation de Jésus qui se fait en
traversant « les autoroutes du mal ». Le passage de Jésus vers son
Père n’est pas un passage simple. Il est passé par la souffrance et la mort, il
a subi toutes nos conditions humaines, nos inclinations aux péchés et nos maux.
Avant de « monter », il est d’abord descendu, même jusqu’à l’enfer. Jésus
est descendu jusqu’à la réalité la plus sublime de nos péchés, de nos rejettes
de Dieu. Pour reprendre le mot de Hans urs von Balthazar, Jésus a vidé l’enfer.
Sa montée ou
son élévation se fait par une descente, qui est celle d’une femme qui enfante
un fils. Cette descente est marquée par l’attente d’accouchement pendant neuf
mois, et puis par le sacrifice à travers de pratiques de jeûnes alimentaires,
par l’entrainement et la discipline, par une attitude de renoncement à
plusieurs choses pour pouvoir enfin enfanter le bébé entendu. L’image d’une
telle femme souligne la maturité chrétienne qui se détermine par la fidélité
dans la durée. Elle est en opposition totale du style de vie de ce monde, où
tout, à la fast food, est
instantané sans l’apprentissage et le discernement. Cette maturité est
nourrie par l’attitude d’humilité comme la femme qui oublie ses douleurs
d’enfantement parce qu’elle voit naître l’enfant. La même maturité est nourrie
par le renoncement, la discipline et la responsabilité qui sont des
entrainements important pour pouvoir enfanter « l’amour du Christ »
au monde. De ce fait, nous sommes capables véritablement d’enfanter le Christ
au monde.
Il n’est pas
du tout facile pour nous aujourd’hui d’enfanter le Christ au monde. Beaucoup
d’entre nous se contentent de remplir des obligations cultuelles ou de
participer aux activités religieuses. Il
suffit de voir en Afrique, le milieu que je connais actuellement comment
les ecclésiastiques se comportent. Ils se contentent de rassasier les besoins
spirituelles des fidèles, se concurrent des acteurs de sectes et de nouveaux
mouvements religieux pour gagner des adeptes ; se promener en soutane avec
un style de vie quasi bourgeoise ou parfois rester tranquille dans le bureau
sans trop interroger la situation ambiante avec laquelle l’Evangile de Jésus
Christ est toujours en opposition. En voyant tout cela, je me demande,
sommes-nous déjà entrés inconsciemment par les trois portes des autoroutes du
mal ? Suis-je un fonctionner d’une religion, ou encore un robot d’une institution
appelée l’Eglise Catholique ? Ou suis-je celui qui est encore capable
d’enfanter Jésus au monde.
Seul Jésus est
le chemin vers le Père, la seule autoroute vers la vie éternelle. Pour aller
chez le Père, on doit passer par Jésus qui avait traversé les autoroutes du
mal. Notre foi en Jésus ne nous prive pas de tentation et d’inclination au mal.
Elle nous met en confrontation avec elles. N’ayons pas peur ! Jésus est
avec nous dans son Esprit Saint, notre Défenseur qui nous aide à bien discerner
au milieu de toutes confusions la présence du Christ ainsi que ses volontés.
Nous demandons à l’Esprit Saint le courage comme celui de St. Paul d’annoncer la Bonne Nouvelle de manière
toujours créative et innovatrice. Que par sa grâce la souffrance et la joie,
l’espoir et le désir de tous les hommes soient aussi la souffrance et la joie
de toute l’Église qui les amène tous vers le Christ notre bonheur
éternelle. (Tardelly,s.x.)
Libellés : ascension
C’est le titre d’un montage
consacré à Benoit XVI après sa décision surprenante de se renoncer à son
ministre pétrinien. Il m’est venu à l’esprit lorsque je lisais le début de
l’évangile d’aujourd’hui (Jan 14, 23-29) :« à l’heure où Jésus
passait de ce monde à son Père ». Par là, nous sommes introduits dans la
deuxième partie de l’évangile de St. Jean qui nous est connue comme le livre de
l’heure. Chez Jean, l’heure est un temps de gloire. Il nous rappelle que Jésus
va glorifier son Père à travers sa souffrance jusqu’à la croix. Sa gloire c’est
d’aimer Dieu le Père jusqu’au bout.
Jésus voulait inviter ses
disciples à entrer dans ce mouvement d’amour ; «de passe de ce monde au
Père » où le Père est le but, la destination finale : « Si
quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous
viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m’aime pas
ne restera pas fidèle à mes paroles. » Jésus y montre le lien étroit entre
l’amour du Père et la fidélité à sa parole.
Pour le comprendre,
souvenons-nous du récit de la transfiguration
lorsque Pierre, ayant vu apparaitre Moïse et Elie, dit « Seigneur,
il est heureux que nous soyons ici ; si tu le veux, je vais faire ici
trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie » (Mt 17,4).
Chez Jean, le mot « rester» a la même pesanteur que celle du mot
«demeurer ». Ces deux mots expriment l’état de communion, d’être en communication
avec Dieu. Pierre l’exprime à sa manière. Elle est pourtant unique. Le fait de
« rester » en communion avec Jésus, Moïse et Elie, lui produit le
bonheur. On pourrait dire que seul celui qui est aimé et qui sait aimer qui est
heureux. Ensuite le mot « fidèle » ne peut pas se dissocier du mot
«rester». Chez Pierre, il est claire que ce mot n’est pas un mot vide de sens,
il nous renvoie tout de suite à l’acte tel que Pierre lui-même nous montre « si
tu le veux, je vais faire ici trois tentes ». Ce qui fait notre bonheur
c’est de rester fidèle à sa parole. Rester fidèle à sa parole signifie la
mettre en pratique. De cette manière, comme Pierre, nous devenons les tentes ou
les demeures de Dieu dans le monde.
Nous sommes tous donc invités à
entrer dans ce mouvement d’amour qui multiple la présence de Dieu dans le monde
assoiffé et affamé de la justice, du pardon, de l’amour et de la paix. Jésus
nous laisse exactement son Esprit Saint pour nous accompagner dans la mise en
réalisation de cette tâche. L’Esprit Saint est devenu notre Défenseur. Il nous
aide toujours à trouver la raison pour défendre la vérité de ce que nous
faisons et de ce que nous annonçons.
Oui, parfois, il est vrai, que
partir c’est rester. Jésus lui-même nous le montre par ses propres actes.
L’évangile d’aujourd’hui nous montre combien un acte d’amour appelle à une
attitude d’abandonne à Dieu. Il appelle à une totale confiance et totale
humilité à Dieu. Jésus ne voulait pas agir seul. Il a tout simplement accomplis
sa mission. Il a obéit à son Père et laissé l’Esprit Saint agir en nous.
Lui-même, il a été fidèle à Son Père, à la mission que ce dernier lui avait
confiée. De cette manière là qu’il est resté dans la mémoire de notre histoire.
Son Esprit qui nous enseigne depuis toujours et nous enseignera tout ce qu’il
nous a enseigné à travers sa parole, son évangile. (Tardelly,s.x.)
Libellés : abandon de soi
le poisson et le pain |
Après la disparition d’une personne aimée, la
déception et la désolation qui s’accompagnent souvent. On se trouve dans une
situation d’impuissance. La vérité de notre existence, quelque soit l’affection
et l’amour que nous avons envers lui, c’est que nous n’avons jamais la maitrise
de son destin ; quelque soit même le pouvoir que nous avons sur elle, nous
n’aurons aucune prise sur elle. L’autre reste et restera l’autre. Justement la
réalité de la mort qui nous l’affirme. Une fois que l’on est mort, on
appartient à l’au-delà.
Jésus est disparu par sa mort. La rumeur qui se
circulait tantôt dit qu’il serait vivant et ressuscité et tantôt dit que son
dépouille aurait été volée. Cette rumeur, cependant, n’intéressait pas les
apôtres. Peut-être parce qu’ils ne comprenaient pas exactement ce qui lui était
arrivé. Le sentiment qui les animait à ce moment là est la déception totale. La
prise de parole de Pierre qui nous le révèle « Je m’en vais à la
pêche ». Les autres disciples tels Thomas, Nathanaël, les fils de Zébédée,
et deux autres disciples confirment le même sentiment « Nous allons avec
toi ». Quand on est déçu, on sent comme si on descendait d’une hauteur et
se trouvait dans une fosse la plus basse. Voilà ce qui s’explique dans l’expérience
des apôtres. Ils voulaient tout se dépasser de leur histoire déçue avec Jésus
et reprendre leurs vieilles habitudes. Le résultat est bien clair. Ils passèrent
la nuit sans rien prendre. (Jn 21,1-19).
Et pourtant, nous dit l’évangile, Jésus était là
sur le rivage. Les disciples, malheureusement, ne le reconnaissaient pas. Jésus
les appelle : « Les enfants, auriez-vous un peu de
poisson ? ». C’est une question qui devrait leur déclencher une
certaine mémoire de leur passé avec Jésus. La progression du récit nous aide à
en saisir le lien avec le récit de la multiplication du pain lorsque Jésus
demandait à Philippe, «D’où nous procurerons-nous des pains pour que mangent
ces gens ? » (Jn 6,1-15). La réponse des disciples dans l’épisode de
la multiplication du pain là est aussi négative que leur réponse dans ce
récit : « Non ». Ils n’ont pas de poisson tel qu’ils
n’avaient pas de pain pour nourrir tant du monde qui suivaient Jésus. De même
que Jésus leur avaient demandé de chercher le pain, de même ils leur demandent
de chercher le poisson, de jeter le filet une fois de plus. Seul le disciple
que Jésus aimait qui a saisi un rappel à partir de ce qu’il est en train de
voir. Tant de poisson lui rappel le même Jésus qui avait multiplié le pain.
C’est à la suite de l’ordre de Jésus qu’il a pu le
reconnaître : « c’est le Seigneur ». Il est cependant
curieux de remarquer que le disciple que Jésus aimait ne prononçait pas le nom
« Jésus », mais plutôt « Seigneur ». Cela pourrait
signifier sa foi en la résurrection de Jésus, qui est devenu Seigneur.
Simon Pierre nous présente une réaction
intéressante. Ayant entendu que c’était le Seigneur, il a fait le même geste
que celui qu’il avait fait lorsqu’il suivait Jésus pour la première fois. Il a
abandonné sa barque et s’est jeté à l’eau pour aller à la rencontre du même
Jésus qu’il venait de trahir. Se jeter à l’eau est une attitude d’humilité et
de reconnaissance de sa faiblesse et de son péché. N’oubliez pas que l’eau de
la mer dans le langage biblique représente le mal ou le péché. Ce n’est
qu’après cette confession de Pierre que viennent les autres disciples avec le
filet plein de poisson. Ils ramènent avec eux aussi les hommes et les femmes
sauvés du mal. Tous les chrétiens se rangent derrière Pierre et les apôtres
comme à la fois les pécheurs pardonnés et les enfants de Dieu.
Entre les disciples et Jésus ressuscité
s’entrepose « un feu du poisson posé dessus, et du pain. C’est
l’eucharistie qui actualise la rencontre entre nous et le ressuscité. Les
disciples, ayant débarqué de la barque, ont déjà trouvé Jésus avec du poisson
et du pain. Ils croyaient, peut-être qu’avec leurs poissons que Jésus allait
leur préparer à manger. Jésus, pourtant, leur donne le pain et le poisson à
manger. L’eucharistie est tout d’abord le don de soi de Jésus. Il actualise et
rend présent le sacrifice du Christ, mort sur la croix pour nous sauver. Ce qui
vient après, c’est notre vie qui doit être une offrande d’amour. A cela
intervient l’offrande des disciples : les poissons qu’ils viennent de
pêcher. Jésus demande aux disciples de lui porter les poissons pour en faire
son corps. Si nous prêtons bien attentions au début de la prière eucharistique,
nous comprendrons bien ce que cela signifie. Le prêtre, agissant à la personne
du Christ, dit « Sanctifie ces offrandes qu’elles deviennent pour nous le
corps et le sang du Christ notre Seigneur ». Il est bien clair donc que le
corps ressuscité du Christ n’est que visible dans l’eucharistie. Pour le
reconnaître et le contempler, il nous faut l’écoute de sa parole. C’est pour
cela que l’eucharistie est précédée par la liturgie de la parole.
Enfin, en tant que sommet et centre de la vie
chrétienne, l’eucharistie rassemble tous les chrétiens avec leurs peines, leur
joie, leurs souffrances et leurs luttes quotidiennes pour pouvoir constituer
avec lui un nouveau pain pour le monde. L’eucharistie nous rend un alter
christi, un autre Christ pour le monde. Comme par sa mort le Christ nous
échappe, sa résurrection nous échappe. Mais, ce dernier est toute une autre
chose. Jésus ne reste pas seulement autre, mais il devient aussi nôtre. Donc sa
résurrection nous transforme en être nouveau. Et la nouveauté de notre existence
doit s’exprimer dans nos luttes contre le mal pour pouvoir faire régner l’amour
de Dieu dans notre monde. (Yaoundé, 14-4-2013) Tardelly,s.x.
Libellés : alter christi
retire tes sandales |
La souffrance est un vieux problème de l’humanité
dont chaque homme à travers l’histoire porte le différent regard et cherche la
solution, ou bien encore donne le sens. Elle est une réalité qui affecte notre
existence. Crées que nous sommes, nous sommes déterminés par nos limites
(physiques, intellectuelles, psychiques). Notre existence est enveloppée par le
temps et l’espace, elle est condamnée à une facticité.
La première lecture du livre d’Exode nous rapporte
la réalité de la souffrance que connut le peuple Israël. Moise, un israélite,
immigré à Madian à la suite du meurtre du soldat égyptien dont il était
l’auteur, connaissait très bien ce que vécut Israël, son peuple en Egypte. Et
il en avait son propre regard. La souffrance lui paraît inexplicable. Elle n’est qu’à fuir. La scène du buisson
ardent nous en témoigne (Ex.3,1-15). Moise rencontre l’Ange qui apparaît au
milieu d’un feu qui sorte d’un buisson et ce buisson brûle sans se consommer.
C’est une chose étonnante. Normalement, un buisson qui brûle devrait se
consommer. Mais, ce n’est pas le cas de ce qu’il a vu. Cela serait équivalent
de ce que Moise pense de la souffrance. De même le buisson qui brûle doit se
consommer, de même la souffrance devrait consommer l’homme ou le mettre en
péril. Il n’en y a plus d’espoir. Le geste de Moise, de s’approcher
curieusement pour examiner le fait du buisson mystérieux, révèle d’autre part
sa quête du sens. Le sens de la souffrance, existe-il ?
La réponse de Dieu est surprenante. « Retire
tes sandales, car le lieu que foulent tes pieds est une terre sainte». Elle est
tout d’abord de l’ordre d’interdiction. L’homme, comme Moise, n’est pas
vraiment à la mesure de maîtriser la réalité de la souffrance. L’homme n’est
pas Dieu, et il ne peut pas prendre la place de Dieu pour donner le sens et la
solution à la souffrance. L’homme, tel que nous montre la suite du geste de
Moise, ne peut qu’en fuir. Moise se voile le visage. Nous tous, nous n’aimons
pas souffrir, ni souffrir avec les autres. La souffrance de son peuple, pour
Moise est quelque chose à oublier, à ne plus regarder.
La suite de cette réponse montre l’attitude
contraire. « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en
Egypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des chefs de corvée. Oui, je
connais ses souffrances. Je suis descende pour le délivrer de la main des
Egyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre spacieuse et
fertile ». Face à la souffrance de son peuple, Dieu décide d’intervenir.
Dieu n’est pas un Dieu spectateur devant la souffrance de l’homme. La demande de retirer les sandales est
finalement une invitation à abandonner notre faux regard de la souffrance, même
tous nos faux regards du monde. Chacun de nous est invité à enlever nos
sandales pour pouvoir découvrir l’univers de Dieu, pour pouvoir sentir sa
présence. Là où nous sommes, tant que nos pieds foulent encore la terre, Dieu
est avec nous, malgré nos souffrances.
La
première lecture nous fait entrer donc dans la pleine identité de Dieu. Dieu se
présente à Moise comme « Je suis ». Le « je suis » de Dieu
n’est pas une simple existence. La manière de Dieu d’exister ou d’être n’est
d’autre que de voir, entendre, descendre et libérer. Cela interroge, à
mon humble avis, toute la philosophie du sujet qui magnifie la primauté du
sujet et qui relative l’autrui. Quand Dieu se présente comme « Je
suis », il nous implique, il nous fait participer dans son être pour nous
porter le salut.
Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens nous
fait comprendre que dans cet acte de
révélation de Dieu, s’est fait connaître déjà le Christ (1Co 10,1-12). Cette
lecture est possible du fait que l’acte de descendre pour libérer est
propre au Messie. Jésus Christ s’est présenté déjà de manière implicite dans
l’histoire d’Israël. Cette histoire est marquée par le péché et l’infidélité
d’Israël. Cette histoire d’infidélité devrait nous servir d’exemple pour notre
conversion.
« Retire les sandales » est un appel à
conversion. Dans l’évangile, Jésus nous explique que la conversion est une
nécessité qui concerne tout le monde sans exception. Dans l’évangile, il nous
est raconté le sort des Galiléens assassinés par Pilate lorsqu’ils étaient en
train de faire leur culte. Les gens lui racontent cette tragédie juste pour lui
expliquer qu’il a fallu à ces Galiléens là de subir un tel événement parce
qu’ils ont plus péché qu’eux. La nécessité de conversion ne relève pas
seulement de sa dimension négative, s’agissant d’une réalité pécheresse de
l’homme ou de la réalité de la souffrance – il n’est pas même question de
l’état de péché ou de pureté- mais aussi de sa dimension positive, celle de
s’identifier à Dieu. La conversion n’est pas seulement un mouvement négatif (du
péché), mais un mouvement positif et progressif vers une véritable relation
avec Dieu. Se retirer les sandales est un mouvement de s’identifier à Dieu dans
sa façon de vivre.
Ce mouvement positif de la conversion est expliqué
davantage dans la parabole du figuier et du vigneron (Luc 13,1-9). Le
propriétaire de la vigne veut couper le figuier tout simplement parce qu’il n’y
trouve pas les fruits : « Voilà trois ans que je viens chercher
du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. A qui bon le laisser
épuiser le sol ? ». La conversion vise le fruit qui n’est d’autre que
la pleine croissance et le total développement de l’homme. D’ailleurs, Dieu est
toujours patient pour nous attendre de nous convertir vers lui.
Vivre la conversion dans toutes ses dimensions
nous permet de faire face à notre souffrance et celle d’autrui. Elle nous
appelle à la responsabilité devant Dieu et devant l’homme, par chacun de nous
participe de manière consciente ou inconsciente à sa propre souffrance et celle
d’autrui. Elle nous pousse enfin à être libérateurs comme Dieu. Le jeûne, la
prière et l’aumône doivent se vivre dans cette perspective de conversion, comme
un acte de responsabilité et de la libération. Tardelly,s.x.
Libellés : conversion
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La première lecture et l’Évangile partagent le
même décor dans leur mise en récit. Ce décor est la prière. Abraham a reçu les
promesses de Dieu dans une vision, c'est-à-dire un climat de prière qui est un face
à face avec Dieu, une rencontre. Ce climat laisse Abraham voir la présence
de Dieu qui traverse le temps. La promesse de descendance emporte Abraham à
l’avenir qui lui échappe : « Regarde le ciel, et compte les
étoiles, si tu le peux…Vois quelle descendance que tu auras ! » (Gn
15,5-8). Elle lui rappelle le passé où Dieu l’a fait sortir d’Our en Chaldée et
où la promesse de la terre lui avait été révélée. Ce qui lui fait lier ce passé
et cet avenir c’est la foi : « Abraham eut foi dans le
Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste ». Nous voyons que
d’une part, Dieu se révèle et révèle sa grâce, et d’autre part Abraham réponde
par sa foi. La grâce et la foi font contenu de la prière, de cette rencontre.
Dans le cadre de cette rencontre que se comprend
ce que l’on appelle l’Alliance entre Dieu et Abraham. Avant que cette alliance
ne soit destinée à l’ensemble d’une collectivité, c'est-à-dire le futur peuple Israël,
cette alliance s’est faite entre Dieu et une personne choisie. Tous les deux se
donnent et tous les deux ont besoin de garder ou de conserver ce lien. Il leur
a fallu que ce lien soit institué. Dieu et Abraham ont décidé de se faire
alliance dans la quelle chacun va marquer sa signature. Le sacrifice que donne
Abraham est la marque qu’il donne à cette alliance. De sa part, Dieu l’a
confirmée en donnant aussi sa signature, celle d’agréer le sacrifice
d’Abraham : « … Alors un brasier fumant et une torche enflammée
passèrent entre les quartiers des animaux ». A l’époque passée nos parents
se disaient, il faut se marier d’abord, l’amour va venir après. A notre époque,
nous nous disons que ce qui nous est important c’est d’abord l’amour, le
mariage peut venir après. L’Alliance entre Dieu et Abraham nous laisse entendre
que ces deux idées sont handicapées. Elles sont handicapées parce qu’elles
relativisent soit l’amour soit le mariage. L’alliance entre Dieu et Abraham met
en exergue l’amour d’une part et l’alliance d’autre part. Si on dit qu’il nous
suffit l’amour, on va accepter que lorsqu’on ne s’aime plus, on se séparera.
Pourtant, le véritable amour nécessite que notre amour soit institué.
L’Alliance donnera le cadre, la forme à l’amour pour qu’il grandisse et achève
sa plénitude : c’est porter le fruit en abondance.
Jésus, quant à lui, s’est transfiguré aussi dans
le même climat : « Il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et
il alla sur la montagne pour prier »
(Lc 9,28-36). Le geste de Jésus rappelle déjà aux disciples
l’alliance entre Abraham et Dieu. Comme Abraham, dans sa prière, Jésus fait
participer toute l’histoire, toutes les expériences du passé, du présent et du
futur de son peuple. Jésus porte en lui non seulement l’espoir d’Israël à l’accomplissement
des promesses, mais aussi les déchirures, les blessures de ce peuple : dans l’expérience des
occupations des peuples étranger, dans son propre infidélité. Jésus porte en
lui en tant qu’homme son angoisse, peut-être son incertitude de l’avenir de sa
mission : vis-à-vis ses ennemies, vis-à-vis ses disciples qui ont du mal à
le bien comprendre. La figure de Moise et d’Elie, deux personnages importants
de l’Ancien Testament, manifestent la mémoire de Jésus au passé d’Israël et
aussi au passé de toute l’humanité. Ce passé est marqué par le péché et
l’infidélité à l’Alliance. Il est marqué aussi par l’espoir de la libération.
Ce passé est lié à l’histoire de Moise et d’Elie, éprouvés par l’infidélité et
la trahison d’Israël. Ce passé n’est pas déconnecté, cependant, de la victoire
de ces prophètes qui ont su garder avec fidélité l’Alliance avec Dieu malgré
leurs souffrances.
Nous voyons donc que Jésus, dans sa prière, côtoie
son père, en faisant intervenir aussi tous les saints, tous les prophètes. Sa
prière est nourrie de sa proximité avec l’Écriture. Il priait avec les prières
de gémissements et d’espoir de Moise et d’Elie. De leur expérience, qu’il a
trouvé espoir, consolation et force pour pouvoir accomplir sa mission malgré la
souffrance qui va s’annoncer.
La prière chrétienne est la prière de Jésus,
c'est-à-dire à la manière de Jésus. Elle
est toujours une mémoire de l’Alliance, tout d’abord entre chacun de nous avec
Dieu. Dans la scène de la transfiguration, nous contemplons la plénitude de
l’Alliance, qui n’est plus marquée par le sang des animaux, mais par son propre
sang livré bientôt à la prochaine pâque. En lui, cette alliance prend aussi son
sens singulier. En ce sens qu’elle est un rapport intérieur entre homme
individuellement et Dieu. Cette alliance met nous en garde du danger de mass
qui ne nous permet pas d’entrer dans l’intimité avec Dieu. Parce que tout le
monde se rende à l’Église pour recevoir les cendres, moi aussi je m’en y vais.
C’est l’exemple connu de nous tous d’une foi de mass au Cameroun. Notre
foi devient, par conséquent, une foi flottante.
La prière chrétienne n’est pas seulement
singulière, mais aussi particulière. Cette particularité se trouve dans le fait
que lorsqu’on prie, on demande ou invite Dieu à nous habiter. « Maître, il
est heureux que nous soyons ici : dressons trois tentes : une pour
toi, une pour Moise, et une pour Elie ». On croit souvent que passer
plusieurs heures de prière et multiplier la quantité de prières déterminent l’efficacité
de la prière. En fait, on se trompe. Une telle façon de prière, à mon avis,
n’est pas une véritable rencontre avec Dieu. Elle est plutôt une invasion.
Pourtant, comme dit Pierre, on doit se laisser habiter par la présence de
Dieu : « Il est heureux que nous soyons ici ». Autre chose
trouve un temps et une durée nécessaire pour la prière, autre chose passer des
heures et prononcer innombrables prières avec un cœur qui veut truquer Dieu.
La particularité de notre prière est mise au clair
par le rapport filial entre Jésus avec Dieu son Père. Dans la scène de la transfiguration,
nous contemplons le véritable rapport entre Dieu et Jésus son Fils dans
la voix de la nuée : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi,
écoutez-le ». Nous sommes tous enfant de Dieu en Jésus. Devant un tel
Dieu, on ne peut pas faire le truquage, ni envahit avec la quantité de nos
prières celui qui sait dont nous avons besoin. Nous sommes enfants de Dieu à la
manière de Jésus, c’est d’écouter Dieu en écoutant Jésus. Quand on prie, on
laisse Dieu tout d’abord parler en nous à travers son Fils. Jésus il a choisi
d’écouter et d’obéir à son père qu’écouter ses propres désirs. De cette écoute
là que Jésus a eu la force pour accomplir sa mission.
La singularité et la particularité de notre prière
chrétienne nous ouvre à l’universalité. Jésus, de manière explicite, nous
apprend d’appeler Dieu notre père. Le mot notre montre que, pour
reprendre le Pape Benoît XVI lorsque on prie, en réalité, on n’est jamais seul,
même si on peut se trouver seul en train de prière. Pourquoi on n’est jamais
seul ? Parce qu’en appelant Dieu notre Père, on fait
participer tout le reste du monde comme nos frères et nos sœurs dans le Christ,
y compris ceux qui ne partagent pas la même foi avec nous (les musulmans, les
bouddhistes, les hindoues, etc.…). Cette convocation condition déjà par la
suite notre volonté de pardonner ceux qui nous ont offensé, c'est-à-dire nos
ennemies.
Enfin, la scène de la transfiguration nous rappelle la singularité, la
particularité et l’universalité du salut en Jésus. Jésus a porté à la porte de
tout homme le visage resplendi de Dieu le Père. Notre prière et notre liturgie
chrétienne sont la prolongation de ce mystère de l’incarnation dans toute
l’histoire. Donc elle nous fait envisage l’avenir. Elle doit, par conséquent,
nous transfigurer et nous transformer d’un homme de peur en un homme de foi,
d’une personne triste en une personne joyeuse. Nous sommes tous des porteurs et
des porteuses du visage d’amour de Dieu au monde pour transformer notre
histoire. (Tardelly,s.x.)
la foi, l’œuvre, la raison |
Notre liturgie de ce
premier dimanche de carême est marquée par l’appel ou l’élection définitive de
nos catéchumènes en vu du baptême qu’ils recevront à la veille pascal. Le temps
de carême nous fait revivre les quarante années de l’itinéraire d’Israël à
travers le désert. C’est une aventure douloureuse qui nous rappelle la longue
marche des hommes en quête de l’avenir, c'est-à-dire le bonheur. Les lectures
de 5 dimanches nous mettent au cœur du mystère de ce temps : la rencontre
avec Dieu en Jésus notre avenir. Les premières lectures de tous ces dimanches
nous rappellent la montée de l’humanité vers cet avenir qui est la Pâques du
Christ, en commençant avec l’histoire d’alliance, celle des patriarches et
celle des prophètes. On sent que toute l’humanité languit à toucher par la main
cet avenir. Les lectures des évangiles se répartissent en deux séries. La
première série couvre deux premiers dimanche, mettant en scène les récits du
jeûne de Jésus et de la transfiguration. La deuxième série concerne normalement
ce que l’on appelle les évangiles des « scrutins » comme préparation
du baptême. Les catéchumènes sont invités à s’identifier à la Samaritaine (qui
a soif de l’eau vive), à l’aveugle née (qui attend l’illumination) et à Lazare
(qui attend la libération de la mort).
Entrons donc le message
clé de l’évangile de ce premier dimanche (Lc 4,1-13). Saint Luc nous dit
qu’après son baptême, Jésus, poussé par l’Esprit, jeûna pendant quarante jours
au désert, et il fut tenté par le démon. Le baptême de Jésus, ne le privait pas
des tentations. Son baptême, par contré, l’a mis à la porte des tentations,
mais non sans armés. Le baptême lui a permis d’y faire face. Nous avons écouté
qu’il y a trois tentations. La première, c’est « vivre aux bras
croisés », c'est-à-dire de pas travailler. Satan dit « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à
cette pierre de devenir le pain ».
L’acte d’ordonner ou de commander est un acte qui n’engage pas le sujet
dans sa réalisation. Ordonner c’est parfois s’assoir aux bras croisés. La
deuxième tentation, c’est le pouvoir
ou la force à dominer ou avoir pris sur les autres. Pour ce faire, on cherche à
justifier tous les moyen possibles même s’ils ne sont pas bon, par exemple, la
corruption, la tricherie, le truquage, etc.. Le but ultime de cette quête du
pouvoir c’est qu’on soit l’objet d’adoration. « Tout le pouvoir du monde
te sera donne, si tu te prosternes devant moi ». C’est presque un culte de
célébrité. La troisième tentation c’est « vivre la foi sans raison ou avec une raison manipulatoire ».
Notre foi en Dieu ne s’oppose pas à la raison. Dieu nous donne la raison pour
pouvoir vivre et survivre. Vivre la foi sans raison c’est croire aveuglement.
Il ne suffit pas par exemple, de passer des heures de prier sans faire marcher
la raison avec la quelle on devrait bien travailler pour gagner le pain
quotidien.
Face à ces trois
tentations, les réponses de Jésus sont claires.
A la première tentation, Jésus s’oppose en mettant en valeur la vertu du travail. L’homme doit
travailler, mais pas pour travailler, ni seulement pour le pain ou ses besoins
physiques, mais aussi pour son bonheur. Or le bonheur nécessite aussi la
nourriture spirituelle, qui est celle de l’écoute de la Parole de Dieu. On ne
peut pas écouter la voix du Seigneur, si on ne sait pas se calmer ; on ne
peut pas non plus comprendre sa Parole si on ne lit jamais la Bible. Le temps de
carême nous invite à investir le temps nécessaire pour la prière et la
méditation de la parole de Dieu.
A la deuxième tentation,
Jésus s’oppose en donnant le vrai sens
du pouvoir qui est la responsabilité et le service. On est grand quand on
est disponible à servir sans condition et gratuitement. Le carême nous invite à
se mettre au service des ceux qui sont dans le besoin, les plus petit de nos
frères, les pauvres, les malades, les marginaux de notre milieu. A la troisième
tentation, Jésus s’oppose en faisant appel à une foi vécue avec la raison. On ne respect pas Dieu en vivant une
foi aveugle. Au contraire, on le respect mieux si on met en œuvre la raison
illuminée par la foi. Il ne suffit pas de faire la novene pour se dégager de la grippe, du mal au
ventre, ou du cancer. Il faut les soigner au dispensaire, il faut aller voir
les médecins. La prière nous aide à persévérer dans la douleur pour enfin
guérir.
On peut résumer les trois
oppositions de Jésus aux tentations du démon en trois mots clés : « la foi, l’ouvre et la raison ». La foi doit être nourrie par
la prière et par l’écoute de la parole de Dieu. Cette foi, à son tour va
nourrir l’œuvre, c'est-à-dire notre travail. Notre jeûne nous demande à
continuer à travailler comme une expression d’amour envers Dieu et envers nous
même. La même foi va illuminer la raison pour pouvoir discerner le bien et le
mal. Nous savons que le mal ou le démon peut se parer ou s’orner des couleurs du bien. La confession
est le moyen extraordinaire pour dévoiler le mal et les mensonges dans notre
vie. Ces trois mots clés sont donc les trois efforts qu’il faut mener dans
notre combat contre le mal, le combat qui a lieu surtout dans notre vie
intérieur, dans notre cœur. Prière, jeûne et la charité comme doivent être vécu
avec ces trois attitudes pour bien célébrer la Pâques.
Pour nous les chrétiens,
enfin, le véritable exorcisme c’est notre baptême. Pourquoi ? Parce que
Jésus a vaincu le mal en obéissant à Dieu jusqu’à la croix. L’évangile nous dit
que le démon s’éloigne, prend fuite jusqu’au moment fixé pour le tenter. On
verra dans l’épisode de Gethsémani où Jésus est en peu hésité d’accomplir sa
mission. Il sera tenté même jusqu’aux dernières minutes lorsque le soldat lui
demandera de descendre de la croix, ce qui lui est très possible. Mais, il a
choisi à aimer Dieu jusqu’au bout de feu. C’est la grâce que nous dévons demander :
la fidélité de croire en Jésus notre seul avenir dans notre combat contre le
mal de chaque jour. N’ayez pas peur du démon, parce que Dieu est avec nous
comme nous dit le psaume 90 « Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ;
je le défends, car il connaît mon nom. Il m’appelle, et moi, je lui réponds ;
je suis avec lui dans son épreuve ». Je vous souhaite une très bonne
aventure pour ce temps de carême. (Tardelly,sx)
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