Personne ne doute que le serpent est un des animaux plus mortels. Il occupe la place assez remarquable dans nos peurs. Sa présence inattendue, cachée et quasi mystérieuse, ainsi que son instinct prédateur prêt à nous surprendre comme un coup de foudre, font de lui un adversaire pour lequel nous sommes obligés à nous équiper. Quelque soit l’espèce, l’angoisse qui s’en produit, actualise la nécessité de la survie. L’évolution nous apprend que la survie ne se fonde pas seulement sur les besoins, mais aussi sur la peur et l’angoisse de ne pas mourir en vain. Enfin, la peur et l’angoisse se situent dans les besoins de vivre une vie plus significative. Chaque homme, dans chaque génération est en quête du sens. La survie s’étale entre l’improviste de la mort et le provisoire de la vie. Le serpent, à mon sens, est révélateur d’un fait selon lequel nous les hommes, nous ne pouvons pas toujours maitriser la vie, même si nous sommes dotés de l’intelligence et de la liberté. Les auteurs bibliques se servent donc du serpent pour nous décrire le drame de notre liberté face à la tension entre le danger de la mort et sa vie éphémère.

Jésus, dans son entretien avec Nicodème, rappelle à ce dernier l’expérience des Israelites au désert lorsqu’ils étaient mordues par les serpents juste après la fameuse scène de Meriba. On raconte qu’ils perdent leur patience face à l’incertitude de leur itinéraire. Ils ont accusé Dieu responsable de cette souffrance. Dieu leur envoie les serpents brûlants qui les font périr. Ayant conscient de leur crime, ils demandent à Moise pour qu’il intercède auprès de Dieu afin qu’il les relève de leurs souffrance. Dieu répond et demande à Moise de façonner un serpent d’airain et qu’il place sur l’étendard, et si un homme mordu regarde le serpent d’airain il reste en vie. (cf. les Nombres 21, 4-9). A partir de ce récit la notion du péché se développe. Il consiste d’abord à refuser la tension entre le danger de la mort et l’éphémère de la vie. La refuser, signifie ignorer le mystère qui enveloppe cette tension, qui y est toujours présent et auquel nous devons croire et succomber. Et puis, il termine par accuser Dieu comme responsable de notre souffrance. L’athéisme en effet n’est pas un refus de l’existence de Dieu, mais plutôt de l’accuser comme auteur de notre souffrance, de notre angoisse et de nos limites desquelles notre liberté veut se libérer. Cette accusation qui les amène à gommer l’existence de Dieu qui est pourtant sans aucun succès. Supprimer Dieu ne nous garantit jamais l’absence de la tension, ni non plus la souffrance.

En racontant l’histoire du serpent d’airain, Jésus prédit et annonce son destin. De même que le serpent d’airain devient la source du soulagement, de même Jésus sera la source de la nouvelle espérance, et de la vie éternelle lorsqu’il sera élevé. Dans le terme johannique, le mot élever signifie l’investiture royale. Pour Jean, le fils de l’homme doit être « élevé » sur la croix. Ici Jésus nous révèle un sens très profond de la souffrance. La gloire et la croix vont de pair. C’est sur la croix que Jésus manifeste le dépassement de la tension, la victoire sur la mort. Pourquoi et comment ? Parce que sur la croix il nous montre une vraie attitude face à la souffrance, c’est celle de s’abandonner à Dieu. C'est-à-dire, puisque nous ne sommes pas le maître de la vie, donc il faut savoir laisser Dieu agir et intervenir dans notre vie. Dieu ne gomme pas notre liberté et autonomie, mais il nous invite à les rendre ouvertes au mystère de son amour. Il a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils. Sur la croix Jésus éprouve la vérité combien Dieu nous tant aime. Il ne nous abandonne pas dans notre souffrance, sinon il souffre avec nous. La croix est donc salutaire, qui croit en Jésus, contemple sur sa croix la présence continue de Dieu.

La croix est porteuse d’une nouvelle lumière pour nous. Elle nous aide à vivre notre vie et toutes ses vicissitudes dans la constante espérance en Dieu. La croix est lumière nouvelle parce que nous y trouvons que dans l’extrémité de notre souffrance et dans la gravité de notre angoisse face à la souffrance et à la non sens de la vie (lire : la mort), l’homme est glorifié, élevé comme digne d’amour parce qu’il est capable malgré tout de s’abandonner à Dieu. Jésus sur la croix, se sent abandonné : « Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Il ne s’agit pas de refuser Dieu, mais plutôt de mettre ce dernier en question. C’est très humain, cela exprime même la réalité de notre foi. Dieu est un problème de l’homme parce que lui seul la réponse de tous les problèmes. Alors la mise en question de Jésus à l’égard de Dieu exprime son acte de foi très profonde qui finit par attitude par s’abandonner à Dieu. Il laisse Dieu réaliser sa volonté, et voila donc sa mission. Il dit à la fin : «en tes mains je remets mon esprit » et il ajoute à la fin : « c’est achevé ». Plus on se sent abandonné par Dieu, plus on s’abandonne à Dieu comme Jésus qui s’abandonne à croire à son père, le seul qui maitrise la vie. Jésus est ressuscité parce qu’il croit d’abord en cela. C’est ici se trouve la gloire de la croix. Jésus est glorifié sur la croix parce qu’il y réalise la volonté de son père.

La gloire de la croix est aussi la gloire de l’homme. On ne réduit jamais la dignité de l’homme dans ses manques, ni dans ses souffrances. Jésus crucifié que nous contemplons révèle la dignité de toutes personnes humaines. Elles, surtout dans la faiblesse et la souffrance, doivent rester le centre de notre attention. Pourquoi ? Parce que leur souffrance nous fait proche du cœur de Dieu miséricordieux et le sentir ; nous fait proche de la primauté de la vie garantie par la résurrection du Christ. (Yaoundé, 18/03/2012-Tardelly,SX)

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