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La première lecture et l’Évangile partagent le même décor dans leur mise en récit. Ce décor est la prière. Abraham a reçu les promesses de Dieu dans une vision, c'est-à-dire un climat de prière qui est un face à face avec Dieu, une rencontre. Ce climat laisse Abraham voir la présence de Dieu qui traverse le temps. La promesse de descendance emporte Abraham à l’avenir qui lui échappe : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux…Vois quelle descendance que tu auras ! » (Gn 15,5-8). Elle lui rappelle le passé où Dieu l’a fait sortir d’Our en Chaldée et où la promesse de la terre lui avait été révélée. Ce qui lui fait lier ce passé et cet avenir c’est la foi : « Abraham eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste ». Nous voyons que d’une part, Dieu se révèle et révèle sa grâce, et d’autre part Abraham réponde par sa foi. La grâce et la foi font contenu de la prière, de cette rencontre.
Dans le cadre de cette rencontre que se comprend ce que l’on appelle l’Alliance entre Dieu et Abraham. Avant que cette alliance ne soit destinée à l’ensemble d’une collectivité, c'est-à-dire le futur peuple Israël, cette alliance s’est faite entre Dieu et une personne choisie. Tous les deux se donnent et tous les deux ont besoin de garder ou de conserver ce lien. Il leur a fallu que ce lien soit institué. Dieu et Abraham ont décidé de se faire alliance dans la quelle chacun va marquer sa signature. Le sacrifice que donne Abraham est la marque qu’il donne à cette alliance. De sa part, Dieu l’a confirmée en donnant aussi sa signature, celle d’agréer le sacrifice d’Abraham : « … Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers des animaux ». A l’époque passée nos parents se disaient, il faut se marier d’abord, l’amour va venir après. A notre époque, nous nous disons que ce qui nous est important c’est d’abord l’amour, le mariage peut venir après. L’Alliance entre Dieu et Abraham nous laisse entendre que ces deux idées sont handicapées. Elles sont handicapées parce qu’elles relativisent soit l’amour soit le mariage. L’alliance entre Dieu et Abraham met en exergue l’amour d’une part et l’alliance d’autre part. Si on dit qu’il nous suffit l’amour, on va accepter que lorsqu’on ne s’aime plus, on se séparera. Pourtant, le véritable amour nécessite que notre amour soit institué. L’Alliance donnera le cadre, la forme à l’amour pour qu’il grandisse et achève sa plénitude : c’est porter le fruit en abondance.
Jésus, quant à lui, s’est transfiguré aussi dans le même climat : « Il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier » (Lc 9,28-36). Le geste de Jésus rappelle déjà aux disciples l’alliance entre Abraham et Dieu. Comme Abraham, dans sa prière, Jésus fait participer toute l’histoire, toutes les expériences du passé, du présent et du futur de son peuple. Jésus porte en lui non seulement l’espoir d’Israël à l’accomplissement des promesses, mais aussi les déchirures, les blessures  de ce peuple : dans l’expérience des occupations des peuples étranger, dans son propre infidélité. Jésus porte en lui en tant qu’homme son angoisse, peut-être son incertitude de l’avenir de sa mission : vis-à-vis ses ennemies, vis-à-vis ses disciples qui ont du mal à le bien comprendre. La figure de Moise et d’Elie, deux personnages importants de l’Ancien Testament, manifestent la mémoire de Jésus au passé d’Israël et aussi au passé de toute l’humanité. Ce passé est marqué par le péché et l’infidélité à l’Alliance. Il est marqué aussi par l’espoir de la libération. Ce passé est lié à l’histoire de Moise et d’Elie, éprouvés par l’infidélité et la trahison d’Israël. Ce passé n’est pas déconnecté, cependant, de la victoire de ces prophètes qui ont su garder avec fidélité l’Alliance avec Dieu malgré leurs souffrances.
Nous voyons donc que Jésus, dans sa prière, côtoie son père, en faisant intervenir aussi tous les saints, tous les prophètes. Sa prière est nourrie de sa proximité avec l’Écriture. Il priait avec les prières de gémissements et d’espoir de Moise et d’Elie. De leur expérience, qu’il a trouvé espoir, consolation et force pour pouvoir accomplir sa mission malgré la souffrance qui va s’annoncer.
La prière chrétienne est la prière de Jésus, c'est-à-dire  à la manière de Jésus. Elle est toujours une mémoire de l’Alliance, tout d’abord entre chacun de nous avec Dieu. Dans la scène de la transfiguration, nous contemplons la plénitude de l’Alliance, qui n’est plus marquée par le sang des animaux, mais par son propre sang livré bientôt à la prochaine pâque. En lui, cette alliance prend aussi son sens singulier. En ce sens qu’elle est un rapport intérieur entre homme individuellement et Dieu. Cette alliance met nous en garde du danger de mass qui ne nous permet pas d’entrer dans l’intimité avec Dieu. Parce que tout le monde se rende à l’Église pour recevoir les cendres, moi aussi je m’en y vais. C’est l’exemple connu de nous tous d’une foi de mass au Cameroun. Notre foi devient, par conséquent, une foi flottante.
La prière chrétienne n’est pas seulement singulière, mais aussi particulière. Cette particularité se trouve dans le fait que lorsqu’on prie, on demande ou invite Dieu à nous habiter. « Maître, il est heureux que nous soyons ici : dressons trois tentes : une pour toi, une pour Moise, et une pour Elie ». On croit souvent que passer plusieurs heures de prière et multiplier la quantité de prières déterminent l’efficacité de la prière. En fait, on se trompe. Une telle façon de prière, à mon avis, n’est pas une véritable rencontre avec Dieu. Elle est plutôt une invasion. Pourtant, comme dit Pierre, on doit se laisser habiter par la présence de Dieu : « Il est heureux que nous soyons ici ». Autre chose trouve un temps et une durée nécessaire pour la prière, autre chose passer des heures et prononcer innombrables prières avec un cœur qui veut truquer Dieu.
La particularité de notre prière est mise au clair par le rapport filial entre Jésus avec Dieu son Père. Dans la scène de la transfiguration, nous contemplons le véritable rapport entre Dieu et Jésus son Fils  dans la voix de la nuée : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ». Nous sommes tous enfant de Dieu en Jésus. Devant un tel Dieu, on ne peut pas faire le truquage, ni envahit avec la quantité de nos prières celui qui sait dont nous avons besoin. Nous sommes enfants de Dieu à la manière de Jésus, c’est d’écouter Dieu en écoutant Jésus. Quand on prie, on laisse Dieu tout d’abord parler en nous à travers son Fils. Jésus il a choisi d’écouter et d’obéir à son père qu’écouter ses propres désirs. De cette écoute là que Jésus a eu la force pour accomplir sa mission.
La singularité et la particularité de notre prière chrétienne nous ouvre à l’universalité. Jésus, de manière explicite, nous apprend d’appeler Dieu notre père. Le mot notre montre que, pour reprendre le Pape Benoît XVI lorsque on prie, en réalité, on n’est jamais seul, même si on peut se trouver seul en train de prière. Pourquoi on n’est jamais seul ? Parce qu’en appelant Dieu notre Père, on fait participer tout le reste du monde comme nos frères et nos sœurs dans le Christ, y compris ceux qui ne partagent pas la même foi avec nous (les musulmans, les bouddhistes, les hindoues, etc.…). Cette convocation condition déjà par la suite notre volonté de pardonner ceux qui nous ont offensé, c'est-à-dire nos ennemies.
Enfin, la scène de la transfiguration nous rappelle la singularité, la particularité et l’universalité du salut en Jésus. Jésus a porté à la porte de tout homme le visage resplendi de Dieu le Père. Notre prière et notre liturgie chrétienne sont la prolongation de ce mystère de l’incarnation dans toute l’histoire. Donc elle nous fait envisage l’avenir. Elle doit, par conséquent, nous transfigurer et nous transformer d’un homme de peur en un homme de foi, d’une personne triste en une personne joyeuse. Nous sommes tous des porteurs et des porteuses du visage d’amour de Dieu au monde pour transformer notre histoire. (Tardelly,s.x.)

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