Personne ne conteste que notre vie contemporaine soit marquée par la culture d’image. Les images peuplent notre univers, envahissent aussi notre milieu le plus intime, forment notre conscience et renforce davantage le besoin inouï d’être vu. Ce dernier est quelque chose d’humaine. Tout le monde veut être vu ou reconnue en vue d’affirmer son existence. En ce sens qu’il existe et qu’il se dote aussi de sa vocation d’être gardian du monde ; disons qu’il en est centre.

Les grecs cherchent à voir Jésus à l’entremise de Philipe et André (Jean 12, 20-33). « Voir » signifier souhaiter que l’objet de ce « voir » se montre et garantisse que ce qu’il est correspond à ce dont on entend parler. Les grecs voulaient voir Jésus dont ils entendaient parler. Pour Jésus, ce souhait lui est bien angoissant : leur doit-il se montrer ? De quelle façon ? Et quand ? « Maintenant mon âme es trouble..» dit-il. Il sait bien la tension entre le désir de se faire voir, se laisser séduire par ce qu’on attend de lui, c'est-à-dire de réaliser ses propres volontés plutôt que celles de son Père. « Et que dirai-je ? », se demande-t-il. Nous sentons qu’il est à l’extrême de sa vie, au presque sommet de son angoisse fatigante. Toutefois, il choisit autrement : « l’heure est venue que soit glorifié le Fils de l’homme ». Il réponde à la question du temps (quand). De quelle façon ? « En vérité, en vérité, je vous le dis : si le grand de blé, tombé en terre, ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Ici Jésus renouvelle ses vœux. La manière dont il va se montrer est rien d’autre que la croix. C’est sur la croix qu’il se montrera en tant que Fils bien aimé du Père. C’est sur la même croix qui nous révélera le vrai visage de Dieu. C’est à la croix que nous devons fixer notre regard de curiosité.

La réponse de Jésus à la curiosité des grecs, en effet, se trouve dans son choix de se cacher loin d’eux. On le trouve dans le dernier parti de la séquence. Pourquoi ? Parce qu’il ne veut pas être objet de l’idole, ni l’idole lui-même, et surtout parce qu’il ne veut pas qu’ils ne se soient pas trompés ou bien le comprennent autrement que de la manière dont il se montre sur la croix. En se cachant, il neutralise le voir ; il guérit notre désir de le voir. Par la croix, il nous offre le véritable Dieu à connaitre et à contempler, c’est Dieu d’amour. Elle certifie à la fois un double mouvement de donation divine : d’un côte Dieu qui est devenu véritablement homme en donnant sa vie pour l’homme (mort sur la croix), et de l’autre côte en se cachant derrière ce « homme rejeté », il nous invite toujours à ne pas nous piéger à notre regard et intérêt et à fixer le regard sur le crucifié. C’est sur cette vue que l’idole se transforme à l’icône. La croix est l’icône par excellence de la vérité de la révélation divine, parce qu’elle dévoile qui est Dieu accessible à nous, et elle voile Dieu qui ne peut pas être manipulé, ni dominé par notre besoin et intérêt.(Tardelly, SX - Yaoundé, 26/03/2012)


Personne ne doute que le serpent est un des animaux plus mortels. Il occupe la place assez remarquable dans nos peurs. Sa présence inattendue, cachée et quasi mystérieuse, ainsi que son instinct prédateur prêt à nous surprendre comme un coup de foudre, font de lui un adversaire pour lequel nous sommes obligés à nous équiper. Quelque soit l’espèce, l’angoisse qui s’en produit, actualise la nécessité de la survie. L’évolution nous apprend que la survie ne se fonde pas seulement sur les besoins, mais aussi sur la peur et l’angoisse de ne pas mourir en vain. Enfin, la peur et l’angoisse se situent dans les besoins de vivre une vie plus significative. Chaque homme, dans chaque génération est en quête du sens. La survie s’étale entre l’improviste de la mort et le provisoire de la vie. Le serpent, à mon sens, est révélateur d’un fait selon lequel nous les hommes, nous ne pouvons pas toujours maitriser la vie, même si nous sommes dotés de l’intelligence et de la liberté. Les auteurs bibliques se servent donc du serpent pour nous décrire le drame de notre liberté face à la tension entre le danger de la mort et sa vie éphémère.

Jésus, dans son entretien avec Nicodème, rappelle à ce dernier l’expérience des Israelites au désert lorsqu’ils étaient mordues par les serpents juste après la fameuse scène de Meriba. On raconte qu’ils perdent leur patience face à l’incertitude de leur itinéraire. Ils ont accusé Dieu responsable de cette souffrance. Dieu leur envoie les serpents brûlants qui les font périr. Ayant conscient de leur crime, ils demandent à Moise pour qu’il intercède auprès de Dieu afin qu’il les relève de leurs souffrance. Dieu répond et demande à Moise de façonner un serpent d’airain et qu’il place sur l’étendard, et si un homme mordu regarde le serpent d’airain il reste en vie. (cf. les Nombres 21, 4-9). A partir de ce récit la notion du péché se développe. Il consiste d’abord à refuser la tension entre le danger de la mort et l’éphémère de la vie. La refuser, signifie ignorer le mystère qui enveloppe cette tension, qui y est toujours présent et auquel nous devons croire et succomber. Et puis, il termine par accuser Dieu comme responsable de notre souffrance. L’athéisme en effet n’est pas un refus de l’existence de Dieu, mais plutôt de l’accuser comme auteur de notre souffrance, de notre angoisse et de nos limites desquelles notre liberté veut se libérer. Cette accusation qui les amène à gommer l’existence de Dieu qui est pourtant sans aucun succès. Supprimer Dieu ne nous garantit jamais l’absence de la tension, ni non plus la souffrance.

En racontant l’histoire du serpent d’airain, Jésus prédit et annonce son destin. De même que le serpent d’airain devient la source du soulagement, de même Jésus sera la source de la nouvelle espérance, et de la vie éternelle lorsqu’il sera élevé. Dans le terme johannique, le mot élever signifie l’investiture royale. Pour Jean, le fils de l’homme doit être « élevé » sur la croix. Ici Jésus nous révèle un sens très profond de la souffrance. La gloire et la croix vont de pair. C’est sur la croix que Jésus manifeste le dépassement de la tension, la victoire sur la mort. Pourquoi et comment ? Parce que sur la croix il nous montre une vraie attitude face à la souffrance, c’est celle de s’abandonner à Dieu. C'est-à-dire, puisque nous ne sommes pas le maître de la vie, donc il faut savoir laisser Dieu agir et intervenir dans notre vie. Dieu ne gomme pas notre liberté et autonomie, mais il nous invite à les rendre ouvertes au mystère de son amour. Il a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils. Sur la croix Jésus éprouve la vérité combien Dieu nous tant aime. Il ne nous abandonne pas dans notre souffrance, sinon il souffre avec nous. La croix est donc salutaire, qui croit en Jésus, contemple sur sa croix la présence continue de Dieu.

La croix est porteuse d’une nouvelle lumière pour nous. Elle nous aide à vivre notre vie et toutes ses vicissitudes dans la constante espérance en Dieu. La croix est lumière nouvelle parce que nous y trouvons que dans l’extrémité de notre souffrance et dans la gravité de notre angoisse face à la souffrance et à la non sens de la vie (lire : la mort), l’homme est glorifié, élevé comme digne d’amour parce qu’il est capable malgré tout de s’abandonner à Dieu. Jésus sur la croix, se sent abandonné : « Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Il ne s’agit pas de refuser Dieu, mais plutôt de mettre ce dernier en question. C’est très humain, cela exprime même la réalité de notre foi. Dieu est un problème de l’homme parce que lui seul la réponse de tous les problèmes. Alors la mise en question de Jésus à l’égard de Dieu exprime son acte de foi très profonde qui finit par attitude par s’abandonner à Dieu. Il laisse Dieu réaliser sa volonté, et voila donc sa mission. Il dit à la fin : «en tes mains je remets mon esprit » et il ajoute à la fin : « c’est achevé ». Plus on se sent abandonné par Dieu, plus on s’abandonne à Dieu comme Jésus qui s’abandonne à croire à son père, le seul qui maitrise la vie. Jésus est ressuscité parce qu’il croit d’abord en cela. C’est ici se trouve la gloire de la croix. Jésus est glorifié sur la croix parce qu’il y réalise la volonté de son père.

La gloire de la croix est aussi la gloire de l’homme. On ne réduit jamais la dignité de l’homme dans ses manques, ni dans ses souffrances. Jésus crucifié que nous contemplons révèle la dignité de toutes personnes humaines. Elles, surtout dans la faiblesse et la souffrance, doivent rester le centre de notre attention. Pourquoi ? Parce que leur souffrance nous fait proche du cœur de Dieu miséricordieux et le sentir ; nous fait proche de la primauté de la vie garantie par la résurrection du Christ. (Yaoundé, 18/03/2012-Tardelly,SX)

Ce cœur toujours amoureux de toi

Presque partout dans les villes modernes, l’existence de la communauté urbaine se fonde sur le souci de mettre en garde le bon fonctionnement de la ville et sans oublier. On cependant se sent gêné lorsqu’elle entreprend l’opération de casse sans pitié au marché, à la gare et dans bien d’autres lieux publics. Des marchandises renversées par terre, des boutiques sauvages détruites et la fuite des marchands ambulantes sont des spectacles quotidiens des nouvelles villes qui se trouvent ici par exemple en Afrique, et très particulièrement au Cameroun. Parfois je me trouve fondé de dire que, quand-même, ces petites gens qui contribuent à l’économie des pays. Ce fait m’aide à comprendre l’histoire de Jésus qui, arrivant à Jérusalem, chassa les vendeurs de bœufs, de brebis, et de colombes, ainsi que les changeurs après avoir renversé tous leurs marchandises et monnaies. Quel scandale ! Oublie-t-il que des marchandises sont des valeurs sacrificielles dont tout le monde se sert pour rendre culte à Dieu. Lui-même quand il était petit, n’a-t-il pas été amené pour être présenté avec deux pigeons de sacrifices ?

Si nous lisons mieux ce passage, nous jugerons juste ce que fit Jésus. La chose était vraiment grave. Jésus trouva « dans » le Temple les vendeurs et les changeurs assis. Ils franchirent les limites, pénétrèrent et occupèrent les places qui ne sont pas les leurs. Je dirais, qu’ils voulaient avoir pris sur Dieu qui est le propriétaire de la maison. Ils voulaient fonder les valeurs du sacrifice selon la logique du marché : qui paie beaucoup, gagne aussi beaucoup ; donc l’argent et sa quantité qui déterminent la qualité et l’efficacité du sacrifice. Les animaux d’un prix plus cher auraient plus d’efficacité sacrificielle par rapport à ceux d’un prix moins cher. La parole de Jésus tombe comme un coup de tonnerre : « Ne faites pas de la maison de mon père, une maison de commerce !». Ça c’est très fort ! Disant ainsi, finalement il fixait l’objectif de son acte. Il voulait en réalité viser notre cœur et notre mentalité vis-à-vis Dieu. Quelque part notre cœur est habité par la logique pareille, celle du marché. Nous pensons que nous pouvons « acheter » la bienveillance, la bonté et la grâce de Dieu par nos offrandes, et pire encore par nos actes et nos bonnes attitudes religieuses et morales. C’est en effet de la magie, de la sorcellerie. Pourquoi ? Nous croyons que nous pouvons séduire et apprivoiser Dieu avec tout cela tel que jadis on traites des dieux dans les grottes et les arbres sacrées.

L’acte de Jésus donc est bien significatif, c’est de vouloir purifier le Temple qui est d’abord notre cœur comme lieu primordial de la rencontre avec Dieu. Il nous invite à nous libérer de la mentale magique du commerce religieux tel que à nos jours abondement représenté par plusieurs nouveaux mouvement religieux et les sectes. Puisque l’économie se joue sur les zones de nos émotions et sensations, ces mouvements se contentent d’une quête spirituelle qui peut rassasier et combler leur soif spirituelle. Dieu donc est traité comme drogue. On se drogue quoi !

La première demande dans la prière notre père nous met en la même ligne avec l’acte de Jésus qui purifier le Temple. « Que ton nom soit sanctifié », ainsi demandons nous dans cette prière. De même que la véritable relation ne commence qu’à partir du moment où je reconnais la différence de l’autre, de même notre relation avec Dieu n’est que vrai dans la reconnaissance qu’Il est Dieu, qu’Il n’est pas comme nous. Nous demandons qu’il se fasse connaitre à tous qu’Il est. Donc on laisse Dieu agir librement. D’ailleurs nous l’appelons Père, et cela veut dire que nous sommes devant l’absence de conditionnements, nous sommes dans l’ordre de la gratuité. Nos offrandes et nos attitudes religieuses finalement ne sont que des expressions de nos gratitudes et nos remerciements à l’égard de son amour sans condition.

Contre la logique du commerce, Jésus nous révèle cette belle parole du psaume : « L’amour de ta maison me dévorera, me consommera ». C’est nous en réalité qui devons nous laisser consommer par l’amour. Nous ne sommes pas de consommateurs de grâce qu’on pense pouvoir acheter par nos attitudes pharisaïques. Jésus inaugura son arrivée à Jérusalem différemment avec d’autres pèlerins, avec son option et décision finale d’aimer Dieu jusqu’au bout. Il consiste à réaliser la volonté de son Père, à lui obéir. Sur cet amour que se construira le véritable Temple dans lequel nous rencontrons Dieu face à face ; c’est dans notre cœur toujours amoureux de Dieu. Le corps de Jésus, crucifié le vendredi Saint est la matérialisation de la vie qui s’abandonne par amour pour Dieu et pour l’humanité ; il est détruit par sa mort, mais reconstruit par sa victorieuse résurrection. C’est ici se dévoile l’espérance Chrétienne ; mise en épreuve par l’angoisse et la souffrance de la vie quotidienne, elle devient le signe du nouveau culte rendu à Dieu et du nouveau Temple. (Tardelly, Yaoundé, 11/03/012)

Prier c’est aimer

L’amitié qui est la porte d’entrée de cet épisode de la transfiguration. Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls, à l’écart sur une haute montagne. On peut se demander pourquoi Jésus n’a pas pris d’autres disciples que ces trois-là? La réponse est simple. Jésus n’a pas du tout mis à côté d’autres disciples, ni les exclue, mais il voulait montrer que les trois disciples nous représentent. Ce qui est souligné par l’évangéliste ici n’est pas notre droit d’être choisi, mais plutôt la volonté aimant de Dieu qui à travers son fils, nous invite à son intimité. La notion de l’intimité en elle-même évoque une certaine limitation. Cela veut dire que Dieu prend chacun de nous de s’écarter avec lui. Ici nous somme donc dans la réalité de la vocation et la prière comme un de moment et de lieu ou cette vocation se nourrit.

Au fur et au mesure que l’amitié entre lui et ses disciples se tissait, Jésus invitait ces dernier de dresser le bilan de leur parcours ensemble. Rappelons-nous que dans des épisodes précédents du même évangile, Jésus devait accepter le fait que ses disciples jusqu’à là ne l’a pas compris ou do moins qu’ils tâtonnaient de saisir ce qu’il est et ce qu’il est en train de faire. Pierre, reconnaissant son identité messianique, peu de temps après, essayait d’empêcher Jésus de réaliser sa mission. Il ne pouvait pas comprendre que le messie devait souffrir et mourir. Je me souviens quand j’étais petit c’était difficile d’accepter de voir des héros dans mes films préférés mourir. Jésus aurait été nécessairement déçu face à l’incrédulité et à la méconnaissance des ses disciples. On peut comprendre donc que dans ce contexte qu’il a invité à ces trois disciples de revoir ou bien encore d’évaluer leur cheminement, leur projet et leur mission avec tout les réussit et les défauts.

S’écarter à une haute montagne sous tend se retirer pour prier. Ici la prière n’est rien d’autre qu’un face à face avec Jésus ; entretien amical avec lui. L’évangile de marc ne nous raconte pas l’épisode de la remise de la prière notre père. Je pense qu’ici, à travers la scène, Marc nous présente sa vision de la prière si profonde qu’il n’avait plus besoin d’insérer le notre père dans son évangile. On pourrait dire que cet épisode de la transfiguration serait le notre père de Marc. Quand on aime quelqu’un on veut passer plus de temps pour parler avec lui. Il n’est pas question ici de réciter la prière, mais de se laisser habiter par la présence de Dieu. Jésus fut transfiguré devant eux. Cela veut dire qu’il révélait son identité comme Dieu d’amour qui nous brûle sans nous consommer. L’épisode du buisson ardent vécu par Moise nous en fait allusion. La présence de moise et d’Elie est très capitale dans ce récit en ce sens qu’ils ne représentent pas seulement la préfiguration de la triomphe de Jésus (à Sinaï ou à Horeb), mais qu’ils nous présentent aussi la réalité de leur conversion. Moîse fut en exil de l’Egypte lorsqu’il rencontrait Dieu dans le buisson ardent. Le même Moise montait à Sinaï juste après la marche douloureuse au désert pendant la quelle le peuple se révoltait contre Dieu. Quant à Elie, il fut aussi en exile après l’épisode du Carmel, ayant eu peur d’être tué par Jézabel. Tous les deux ont été renforcés et transformé dans leur rencontre avec Dieu.

C’est dans la prière que nous pouvons avoir accès au mystère de la transfiguration. D’une part nous pouvons reconnaitre la présence aimante et sans condition de Dieu le Père qui nous accueille malgré nos péchés et nos limites. Dans cette relation intime, Dieu révèle qui est Jésus ainsi que son destin ; qu’il va triompher la mort par sa résurrection. D’autre part c’est nous que Dieu transfigure à travers sa présence. Il révèle ce que nous sommes. C’est pour cela Pierre chante : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ; faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moise et une pour Elie ». Tel que Jésus est aimé de Dieu, de même que nous, nous sommes aussi aimés grâce à lui. Faire le bilan de notre vie chaque jour est très important. Ce qui est plus important c’est de mettre tout devant le visage aimant du Père ; qui nous transforme et nous transfigure. Toute fois, il ne peut pas nous sauver sans nous. Prier c’est aimer et se laisser aimer. (Reynaldo F. Tardelly – Cameroun 04/03/2012)

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